AVERTISSEMENT :Vous trouverez ici, publié avec l'accord d'Yvan, le texte complet avec les photos du livre BABOUCHKA, rédigé par mon cousin Yvan Markow, rassemblant les souvenirs de sa mère Catherine Markow née Tolmachev.
Dans sa préface, Yvan a précisé qu'il a scrupuleusement respecté le texte de babouchka y compris avec ses fautes de français. Je dois dire que le logiciel intégré au site corrige
automatiquement un certain nombre de fautes typiques telles que la ponctuation, certaines règles de concordance des temps, etc. ou propose des modifications et je dois avouer que dans un certain
nombre de cas, j'ai suivi les recommandations du logiciel et apporté certaines corrections pour rendre le texte plus fluide et plus facilement lisible, et ce, par respect dû aux lecteurs. Le sens
du texte a cependant été scrupuleusement observé.
Que les filles d'Yvan, et Yvan ne pardonnent.
Alexis.rosoff@sfr.fr nov 2021
Après lecture de ce texte je vous suggère de visiter le chapitre Généalogie dans lequel vous trouverez l'arbre généalogique reliant la famille Rosoff avec la famille Markow.
PREFACE
Par Ivan Markow fils de Babouchka
C'est à la demande répétée de ses petites filles Tatiana , Natacha et Kitty que Babouchka a écrit le récit de sa vie . Ses petits enfants ont certainement dû beaucoup insister pour qu'elle écrive en français , cette langue qu'elle parlait toujours avec un fort accent et des fautes tellement typiques. Babouchka a écrit ce récit comme elle parlait et j'ai scrupuleusement suivi son texte pour que ses petits enfants la reconnaissent et 1'entendent en lisant ces quelques pages. Je complète également ce récit avec 1'album de photos que Babou m'a laissé . Ce sont les seuls souvenirs qu'elle a voulu garder.
Enfin je vais ajouter mes propres souvenirs des récits que mes parents m'ont fait pour compléter certaines époques passées sous silence .
Le récit de Babouchka s'arrête pour la famille MARKOFF après leur installation à Meudon et pour la famille TOLMATCHEV à Sarajevo.
Récit de babouchka
Nicolas m'a raconté que l'origine des MARKOFF était populaire . La Russie vivait encore sous le servage. Le Seigneur à qui appartenait l'arrière-grand-père de Nicolas(l) décida d'envoyer cet aïeul ( probablement quelqu'un de très doué ) à l'étranger ( en Europe ) pour faire des études . C'était une chose qui se faisait parmi les grands propriétaires terriens éclairés d'envoyer un ou quelques serfs à l'étranger pour leur faire des études et après les mettre en tête d'une de leurs entreprises , mais c'était rare .
Donc cet aïeul de Nicolas est allé à Paris et y acheva ses études . Mais il fallait rentrer chez son seigneur en Russie obscure et arriérée.... ! Après Paris ! .... MARKOFF n'a pas voulu cela et il se retrouva à St. Petersbourg et il y installa une petite affaire de fourrures. Le commerce prospéra très bien . L'histoire dit qu'un jour le seigneur , dont il s'agit , passa par St. Petersbourg et entra dans le magasin . L'aïeul a reconnu son propriétaire , mais il n'a pas sourcillé . L'autre non plus et sortit. Ils ne se sont jamais revus après.
Le commerce prospéra toujours en passant du père au fils et voila l'histoire recommence avec les trois frères MARKOFF l'un dont le nom je ne me rappelle pas (2 ) puis Basile (Vassily Philippovitch ) qui deviendra plus tard le père de Nicolas mon mari et Alexis (Alexei Philippovitch)
(1) Babou dit l'arrière ou l'arrière-arrière-grand-père . Le grand-père de Nicolas est né en 1838 a laroslav or l’abolition du servage date des années 1862 . Je pense donc qu'il s'agit du grand-père
(2) Je crois qu'il s'appelait aussi Nicolas
NB il est intéressant de remarquer que c'est dans la même région que vivait le grand-père Alexis Rosoff (Kirikhoti).
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Alexis n’était pas marié . Il était sans instruction et s’occupait des ouvriers . Mais les frères l’ont fait le “négociant du premier degré” (degré le plus élevé, car l’importance du commerce exigeait qu’un des propriétaires ai ce degré .Il a payé les plus grands impôts. Il accumula aussi une grande fortune dans une banque russe.
Il vivait avec Basile marié avec Alexandra TZWYLEFF. Alexandra était la fille d’un riche commerçant de Toÿok (petite ville du nord . Elle était belle. Basile avait l’instruction de l’enseignement secondaire . Politiquement il travaillait dans le parti CADET (royalistes constitutionnels ) Un de ses amis était Monsieur BORMAN (un grand négociant de gâteaux) qui était aussi un CADET. Le troisième frère (je ne sais pas son nom ) était marié et avait deux enfants : un fils mort jeune et une fille Je ne sais pas ce qu’ils sont devenus après la Révolution.
Mais je connais l’histoire de Basile et d’Alexis (3)
(3) Je n'ai effectivement aucun souvenir que mon père m'ait parlé de cette branche peut être parce que tous ceux qui étaient restés en Russie soviétique étaient considérés morts.
Vassily Philipovitch avec sa fille Olga et son fils Nicolas
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La famille de Basile était Installée dans un grand appartement qui donnait sur le Petit Théâtre de St. Petersbourg , la famille de Basile comportait : lui-même , sa femme Alexandra , son fils adoptif Leon (Leon ou Lievouchka) TRAVNIKOFF et ses deux enfants : Nicolas. Né en 1903 , avait quatre ou cinq ans de plus qu'Olga , Lievouchka était beaucoup plus vieux que Nicolas . Nicolas avait une santé très fragile . À sa naissance, il a eu un grand abcès au dos et faillit mourir . Mais la "chaude (ardente) prière" de ses parents contribua surement à sa guérison . Les parents étaient des vieux croyants ; Basile a fait un vœu : en cas de guérison de son fils le vœu d'aller visiter un certain monastère et probablement y faire une action de bienfaisance . En tout cas je sais qu'il a fait ce pèlerinage en l'honneur de la guérison de son fils. Dans la famille de Basile vivait aussi son frère Alexis, célibataire. Entourés de bonnes et de nourrices, les enfants grandissaient ; La famille était très aisée. Nicolas eut une éducatrice russe appelée Nioucha et Olga, une Fraulein (allemande). Fraulein contribua a la connaissance de la langue allemande de toute la famille. Nicolas la parla couramment . À dix ans, il entra au « Tienissovskoie outchilichtie », une école de St. Petersbourg. En été toute la famille allait dans leur propriété en Finlande pas loin de St. Petersbourg ; Nicolas fut frappe par la différence que présentait l'aspect des deux pays . Quand leur voiture attelée de deux chevaux roulait , du côté russe , les maisons et la population semblaient être dans un état d'extrême pauvreté et saleté . Dès qu'ils dépassaient la frontière, les paysans étaient propres , bien vêtus et les maisons bien tenues et les champs soigneusement labourés. ;( Je raconte cela parce que j'étais aussi frappée par le récit de Nicolas, à Meudon en France)
L'oncle Alexis allait souvent en Allemagne faire une cure à Baden .
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Cette vie heureuse dura jusqu'aux 15 ans de Nicolas. Un grand orage éclata alors au-dessus de la Sainte Russie.
Un matin les frères MARKOFF ont lus dans le journal que les banques et ce qui est dedans sont réquisitionnées . Tout appartient à l'État et non plus aux particuliers. Oncle Alexis en apprenant cette nouvelle perdit presque l'esprit. II chancela et alla vers son armoire et en donnant de rassembler et ranger son linge . On pensa qu'il était devenu fou ; Ses proches tâchèrent de le calmer et consoler . Peu de temps après il se calma et triste accepta comme les autres la réalité de la nouvelle vie.
Vassily Philippovitch eut la chance de transférer quelques capitaux en Angleterre dès le début de la révolution. En voyant cette anarchie et le manque de denrées à St. Petersbourg la famille comprit qu'il fallait mieux aller vers le midi au Caucase ou le mouvement contre-révolutionnaire s'organisait. Comment ils se séparèrent de leur confortable nid et de leur magasin je ne sais pas, mais ce que je sais c'est qu'après avoir rassemblé leurs valeurs et leurs bijoux, ils prirent une grande théière dans laquelle ils ont fait faire un double fond et mirent toutes ces valeurs entre les deux fonds. En voyageant en chemin de fer, ils prenaient cette théière sans crainte, et aux grandes stations, la remplissaient d'eau chaude distribuée par les cafés des stations, pour prendre après leur thé dans le wagon ( c'est une habitude des voyageurs russes dans leurs longs parcours en train ). Personne ne les soupçonnait et les perquisitions ne découvraient rien. Quelles villes ils choisirent pour s'arrêter si et se reposer en traversant cet immense pays en bouleversement et en guerre civile , je ne sais pas , mais à la fin, ils restèrent quelque temps dans la région du Caucase avant de prendre le bateau aller à Constantinople après la fin de "l'époque blanche". Nicolas et Olga avaient l'age de poursuivre leurs études secondaires et Vassily Philippovitch se chargea lui-même de leurs études pendant cette époque.
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II travaillait avec ses enfants en utilisant les manuels employés au lycée russe ; Les résultats étaient brillants (excellents )
Et voilà la famille MARKOFF installée à Constantinople; Elle comprenait Vassily Philippovitch , Alexis Philippovitch (Diadia Liocha) , Alexandra Efremovna , la mère , Kolia, (Nicolas ) et Olia (Olga). Le troisième frère resta à Petrograd ainsi que Leon Travnikoff qui termina son enseignement superieur et devint ingenieur.
A Constantinople ils ne sont pas passés par les camps de réfugiés comme la plupart des émigrés russes, mais ils ont habité indépendamment dans une villa aux environs de la ville.
Très modestement repliés sur eux-mêmes dans leur petite famille, ils devaient maintenant se frayer leur chemin vers l'Europe Occidentale.
En attendant les visas ils apprirent qu'il est organisé en Constantinople une commission officielle d'enseignants pour faire passer les examens et répartir les jeunes russes dans les universités et
les écoles d'Europe . Les Français, les Anglais, les
Americains et les peuples Balkaniques Slaves aidaient beaucoup les émigrés et leurs enfants (Années 1920-1921). Nicolas se présenta devant cette commission et passa l'examen du baccalauréat qui a été reconnu à la Sorbonne.
Les MARKOFF réussirent à obtenir un visa pour Berlin . Ils ont sauvé quelque argent et surtout leurs bijoux. Le Mark allemand se trouvait à un niveau très bas à cause de la guerre perdue par les Allemands. À Berlin ils passèrent un an . Toute la famille parla
l'allemand (1922-1923).
Mais c'est Paris qui attirait tous les émigrés russes . Là-bas, il y avait du travail, des écoles et toute la joie du peuple vainqueur.
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Alors ils arrivèrent à ce Paris (1923 ou 1924 ). Us ont eu encore les moyens de louer un appartement meublé au 16e arrondissement non loin de Trocadéro ( 6 rue Charles Dickens ) au 5e étage . Oh ! Cet appartement était misérable par rapport a celui qu'ils avaient a Petrograd, mais pour un émigré Russe moyen, il était très chic . Quatre pièces, cuisine, une salle de bain et le WC . Une pièce pour Nicolas, une pour papa maman et Oletchka, une salle à manger et une pièce pour Diadia Liocha . Vassily Philippovitch recommença son travail de négociant en fourrures . II voyagea souvent entre la Finlande, la Norvège et la France . Olga rentra au lycée russe a Paris et Nicolas a l'université. À la sorbonne, il choisit la chimie.
Alexandra s'occupait de la cuisine et Alexis (Diadia Liocha) nettoyait l'appartement et faisait les commissions alimentaires.
Nicolas et Olga réussissaient bien dans leurs étude . Olga en rentrant en terminale (8e classe) du lycée russe passa son baccalauréat russe à la fin de l'année scolaire . Elle obtint l’équivalence et entra à la Sorbonne pour faire le certificat de Mathématiques Générales . Elle fut reçue aux examens de ce certificat l'année même en Automne . Nicolas a réussi sa licence(1) de chimie en deux ans ; II passa les certificats de Chimie Générale , de Chimie Industrielle et de Chimie Organique .
J'ai fait la connaissance
des Markoff à l'Amphithéâtre de Math. Gêné. où Nicolas vint accompagner sa sœur . Moi, la première, je m'adressai à eux en russe . Les étudiants russes furent très nombreux cette année
(1925-1926) La direction de la Sorbonne invita deux professeurs russes MM. HOLODOVSKY et AGADJIANIAN pour nous aider en russe à assimiler les questions difficiles et résoudre des problèmes
objet des cours .
(1) licence = maitrise actuelle qui exige maintenant 4 Ans
Une fois par semaine, nous avions travaillé ensemble dans une petite salle d'étude en haut du bâtiment de la Sorbonne, rue des écoles .
L'année suivante Olga et moi nous avons choisi la Mécanique Rationnelle . Cette année (1926 1927 ) j'ai eu deux certificats à passer, car en 1926-1927 j'avais échoué à Math. Gene . Heureusement au printemps 1926 je les ai eu tous les deux. Très souvent, Olga et moi, nous faisions le même chemin de la Sorbonne jusqu'a Odéon ou St. Germain des Près où Olga prenait le métro tandis que moi j'habitais tout près, au 1 rue du Dragon . Olga m'a souvent invitée chez elle, mais moi je ne pouvais le faire, car notre logement était trop modeste.
J'ai fait la connaissance de ses parents qui m'ont reçue très chaleureusement.
A 1927-1928 nous avons pris avec Olga la Physique Générale. J'étais très étonnée d'apprendre que, parallèlement a la Sorbonne Olga et son frère Nicolas faisaient des études de secrétariat et de comptabilité à l'école Pigier. Nous n'étions donc pas entièrement consacrés à la Science ? .... L'année 1928 fut malheureuse pour la famille MARKOFF . Vassily Philippovitch attrapa l'érysipèle pendant ses voyages en travaillant avec des fourrures . II mourut ayant une très grosse fièvre et le visage enflé. Cet homme, qui était le soutien moral et matériel de toute la famille était parti ! !
Le désespoir de la mère n'avait pas de limites . Nicolas et Olga étaient entièrement perdus. L'oncle Alexis continua machinalement faire tout le travail de la maison sans extérioriser ses sentiments .
II fallait gagner sa vie . D'abord Nicolas, et après Olga, trouvèrent du travail chez Revillon . C'était un grand magasin de fourrures avec laquelle, au temps passé, commerçait la maison MARKOFF de St. Petersbourg. Nicolas et Olga connaissait bien trois langues : Le français, l'allemand et le russe . Les diplômes de Pigier ont bien servi et les connaissances reçues à la Sorbonne les rattachaient à la classe intellectuelle française . Après la mort de son pere
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Après la mort de son père Olga continua, pendant quelques mois, jusqu'a la fin de l'année scolaire , à fréquenter la Sorbonne, mais elle n'a pas réussi à passer le certificat de Physique Générale. Alors elle abandonna ses études, pour travailler . Maintenant l’appartement de la rue Charles Dickens a Paris 16e était trop cher pour la famille, et Nicolas trouva un trois pièces moins coûteux, à Meudon, Avenue du Bois. Dans une des chambres vivaient Diadia Aliocha et Nicolas, dans l'autre la mère Alexandra et Olga, et la troisième pièce, assez grande, servit de cuisine et de salle à manger . J'ai trouvé les Markoff dans cet appartement en 1930 quand je suis arrivée a Meudon avec mes parents ,au 1 rue Alexandre Guilement.
Les MARKOFF étaient toujours très hospitaliers et m'accueillaient avec la joie . Marguerite d'Azambuja, elle s'appelait à cette époque Mademoiselle Romainse, dinait chez eux toutes les semaines et elle était leur meilleure amie. Des nombreux russes aimaient aussi venir chez eux . Nos situations matérielles étaient plus égales qu'elle ne l'étaient à Paris et on se fréquentait mutuellement.
Après quelques années de leur vie a Meudon, leur mère Alexandra décéda en cause d'une urémie . Je l'ai vue mourante et ses enfants affairés autour d'elle, n'ayant aucune expérience de la vie. Ils ont enterré leur mère et sont revenus à leur travail . Diadia Liocha travaillait aussi . II travaillait dans une boulangerie et distribuait le pain à domicile. II était très digne et vécut avec Olga et Nicolas . Ils déménagèrent rue du Ruisseau à Meudon.
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POSTFACE ( par Ivan)
Que rajouter sur les MARKOFF .
Papa avait beaucoup d'admiration pour son père. C'est lui qui avait hérité de l'esprit d'entreprise de notre aïeul né sous le servage et qui s'est libéré . Alexis son frère n'avait aucune envergure, n’avait fait aucune étude et vivait dans l'ombre de son frère . D'après un annuaire de St. Petersboug datant du début du siècle , qui m'a permis de situer exactement l'appartement familial , j'ai compte quatre MARKOFF a l'adresse indiquée . Babouchka parle de trois frères ; elle a certainement raison, car a l'adresse du magasin, on ne parle que de Vassily Philippovitch , Alexei Philippovitch et Nicolas Philippovitch
Mon père m'a très peu parlé de la Russie, certainement pour ne pas transmettre une nostalgie de quelque chose qui n'existe plus. Je vivais seul a Meudon avec mes parents.
Mon grand bonheur d'enfance était les longues vacances d'été que je passais avec mes cousins a Osny . Je demandais souvent à mon père de me raconter ses bonheurs enfants. Il avait une voiture attelée de chevaux venait chercher la famille et ils partaient tous dans la propriété située près de la ( ou en ) Finlande. C'était un grand domaine avec un étang où on pouvait faire de la barque ; je lui demandais toujours : L'étang était-il aussi grand que l'étang de Triviaux dans la forêt de Meudon ? La réponse positive me projetait dans quelque chose d'immense . La photo du grand-père avec ses deux enfants est certainement prise dans ce domaine . De même les récits du magasin de fourrure conduisaient mon imagination à un grand bâtiment comparable a celui du Bon Marche. C'est ce que je racontais et Babouchka ne m'a jamais contredit. J'ai donc été très déçu lorsque j'ai vu un jour ce magasin à St. Petersbourg . Pour me consoler j'ai compté deux étages et appris que la "Sadovaia oulitsa" était une rue très chic, même encore maintenant.
Je garde , des récits que j'ai entendus, l'impression d'une vie sans soucis ni problèmes . C'est sur Vassily Philippovitch que tout reposait . Alexis Philippovitch avait une chambre chez son frère ou il vivait modestement avec le seul souci de compter son argent . Je n'ai rien sur le troisième frère . Si, comme dit Babouchka , il est resté en Russie avec Leon TRAVNIKOFF fils adoptif de Vassily , il a pactisé avec le diable et si on parle par hasard de lui on dit: "il a disparu sous les bolcheviks" .
Le cas de Leon illustre bien ce rejet absolu: TRAVNIKOFF n'avait aucune raison de fuir les rouges , sa seule faute était d'avoir été adopté et instruit par un bourgeois dont heureusement il ne portait pas le nom . II est donc passé a travers tous les massacres . Comme Vassily Philipovitch, il a fait des études et est devenu un personnage important du commerce international soviétique. Un jour, il avait été envoyé pour affaire a Paris. L'histoire raconte que mon grand-père a refusé de le voir ou lui parler. Mon grand-père a beaucoup développé son commerce et a cherché une ouverture Internationale avec ses fournisseurs Finlandais dont il était proche . II avait choisi l'Angleterre et il y avait ouvert un compte bancaire. L'approche d'une révolution populaire ne devait pas être très propice au commerce de fourrure et dès la chute de sa banque, il décida de quitter le pays . II a laissé peut-être la garde du magasin a Nicolas Philippovitch et emporté tout ce qu'il pouvait. Mon père m'a parlé de l’épisode allemand : Berlin . L'Allemagne est en pleine crise économique et le mark dévaluait tous les jours . Pour acheter du pain il fallait venir avec une brouette de billets. Or les MARKOFF avaient des devises fortes. L'oncle Alexis est effondré d'avoir perdu sa fortune . La légende raconte que son frère, pour lui remonter le moral, disait « En Russie tu ne profitais pas de ta fortune , imagines maintenant que toute cette rue t'appartient et rien n'est change pour toi »
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Vassily Philipovitch cherche a relancé ses affaires . II a eu de la chance d'avoir des biens avec lui et d'avoir fait confiance à une banque anglaise, car beaucoup de pays, dont la France, gelaient les biens des émigrés . L'emprunt Russe en fut la raison .
Vassily s'installe en France parce qu'il trouve un associé qui l'introduit chez REVILLON, magasin de fourrure qui existe encore de nos jours près des Champs Élysées . Mon grand-père voyage entre la France et la Finlande . Nicolas est très heureux a l'Université , il m'en a parlé, mais quelles sont ses ambitions ? Pourquoi a-t-il choisi la chimie ? Que pensait-il faire après la licence ? II semble que seul Vassily se battait dans ces années de crise et brusquement il meurt. 1928 Nicolas a tout juste 25 ans Olga 22 , 23 ans . Ils doivent remplacer le père . Nicolas et Olga suivaient des cours à l'ecole PIGIER . Pourquoi ?
La France est en pleine crise économique et pour tous les emplois qualifiés la préférence nationale est appliquée. Pour les enfants MARKOFF il faut vite se préparer à gagner de l'argent et l'école PIGIER place ses élèves . Papa est malheureux dans cette école . II change de milieu social et l’ambiance potache n'est pas la même que celle des étudiants de la Sorbonne.
Vassily Philipovitch quitte ce monde en laissant derrière lui un capital estime à deux ans de vie . Nicolas et Olga peuvent terminer l'année scolaire . II déménagent a Meudon et se mettent au travail . Nicolas aboutit à la comptabilité chez REVILLON. J'aimerais parler plus longuement de mon père qui a tant compté pour moi, mais je garde mes souvenirs pour les récits de mon enfance . C'était un humaniste et un intellectuel qui, sans la disparition de son père , aurait poursuivi ses études après la licence . II ne s'est pas épanoui dans son travail . Son caractère doux , sa santé fragile ne lui ont pas donné les forces exceptionnelles qu'il fallait a
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l'époque pour "réussir". En revanche il était aimé par tous ceux qui 'approchaient.
Olga a appris chez Pigier à taper à la machine, elle parle parfaitement le français, l'allemand et apprend l'anglais. Une filiale Suisse l'emploie et, à ma connaissance, la garde pour toute sa carrière .Olga a un caractère indécis . La mère va rapidement rejoindre son mari dans l'autre monde. L'oncle Alexis , Olga et Nicolas se retrouvent seuls . Olga et Nicolas travaillent l'oncle tient la maison . Nicolas est le premier à se marier , il est tombé amoureux de Babouchka et quitta en 1937 l'appartement rue des Ruisseaux (maintenant rue Henry Barbusse). Olga et diadia Aliocha (pour le grand malheur d'Olga) restent ensemble . Tante Olga est une jolie fille, elle ne manque pas de prétendants, mais le vieil oncle veille . À ma naissance Babouchka demande à Nicolas de réduire puis supprimer l'aide qu'il apportait à l'oncle et à sa sœur. Tante Olga manque de caractère et de tempérament. Aucun prétendant n'a grâce aux yeux de l'oncle , et Olga finit par les repousser tous . Pour la petite histoire, il y a eu Constantin Artchevitch (elle l'épousera vingt ans plus tard). On raconte que Constantin n'est pas beau et Olga disait : Si tu l'embrasses un jour, tu cracheras pendant trois jours.
Serge Galievsky , un ami de mon père, un aristocrate dont j'ai oublié le nom, mais que mon père appelait déjà "mon futur beau-frère" réussit à lui trouver tous les défauts du monde et Olga l'a quité .
Jean ROSOFF, mon Parrain, frère de Theodore (Diadia Fedia), père de mes cousins Alexis et Natacha . Un mot sur Jean ROSOFF , diada Vania , pour qui je garde un très affectueux souvenir.
Les ROSOFF sont d'une noblesse dont la tradition familiale veut que le cadet soit prêtre . À la révolution son frère et lui s'engagent dans la marine qui les conduira a Tunis et de Tunis à Paris . II s'installe dans un studio au 18 rue
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d'Odessa et devient chauffeur de taxi . Son frere se marie avec la cousine de Babouchka ,Olga Ado, qui sera ma marraine . La famille ROSOFF a deux enfants et vit a Osny . Après la Libération Alexis qui travaille très bien a l'école doit entrer au collège . Pas d'autre solution que de venir à Paris s'installer chez Jean qui a un studio avec à l'intérieur un petit réduit sans fenêtres , juste la place d'y mettre un lit . La pièce principale est suffisamment grande pour un grand et un petit lit . La nuit un lit pliant trouvera bien sa place . Dans la cuisine une table , un banc ,quelques chaises et un évier. Alexis et Natacha quitteront la rue d'Odessa pour la Cite Universitaire. Ma marraine retournera à Osny au cimetière en 1962. Quant à moi, c'est à cette adresse que j'ai mes meilleurs souvenirs d'enfance .
Jean ROSOFF est bien à l'étroit dans son réduit . II partage son temps entre le taxi et des cours de théologie, car il veut devenir prêtre.
Revenons à tante Olga . Avant de devenir prêtre Diadia Vania aurait bien voulu bien épouser Olga. Pour l'approcher il passe par le grand-oncle Alexis . Diadia Aliocha est resté , comme ses ancêtres , Vieux Croyant (contrairement a son frère Vassily). Les vieux croyants apparaissent au milieu du 17ᵉ siècle, lorsque le Tsar Alexis entreprend de reformer l'Église Orthodoxe Russe et nomme NIKON un virulent réformateur au Siège Patriarcal . Les vieux croyants ont leur église qui n'existe pas en France. Diadia Aliocha a plus de quatre vingts ans et mon parrain s'émeut brusquement qu'il va devoir se présenter bientôt devant Saint Pierre sans avoir confessé ses péchés sur la terre. II vient régulièrement a Meudon . Je crois qu'il finit par demander la main d'Olga . Mais Olga n'a de penchant particulier ni pour la religion ni pour diadia Vania qui finit par entrer dans les ordres sans "Matouchka " (femme de prêtre) et Diadia Aliocha va mourir sans confession . Constantin Artichevitch est brusquement veuf . C'est le dernier acte . Olga épouse Constantin .
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Pendant le règne d'lvan le terrible ( Au XVI siècle ), Le boyarine (le noble ) TOLMATCHEW était doumny diake (secrétaire du conseil des boyards ). Parmi les boyards illettrés de cette époque, lui seul savait lire et écrire . Les autres signaient les papiers avec une croix. ( Lisez l'histoire russe de l'époque d'lvan le terrible ) . Donc la famille TOLMATCHEV était d'une très ancienne noblesse . Comme les autres nobles ils étaient des grands propriétaires terriens
Comment se distinguèrent les TOLMATCHEV suivants ? Je ne sais pas.. Mais je sais que mon arrière (ou avant arrière ) grand-père avait 20 enfants, Ivan Ivanovitch TOLMATCHEV, mon grand-père était un des plus jeunes enfants dans cette grande famille .
II se maria avec Ekatherina Pavlovna KOLESNDCOFF quand celle ci avait 16 ans . Les KOLESNIKOFF étaient de petite noblesse , mais dans la ligne ascendante féminine , ils ont eu parmi leurs ancêtres un certain IABLOTCHKOFF qui a inventé la lampe électrique a incandescence un peu avant EDISON . La Russie ne savait pas utiliser cette invention tandis que l'Amérique a largement utilisé cette invention et éclaira tous les continents . Donc officiellement, c'est EDISON qui est le père de la lampe et IABLOTCHKOFF figure dans certains documents comme co-inventeur . Toutes ces histoires mon père VYATCHESLAV me les raconta plusieurs fois.
Maintenant regardez le tableau N° 1
J'avais trois oncles et une tante du côté paternel . Leurs parents Ivan et Catherine étaient assez riches . Le premier temps de leur mariage, ils avaient les terres à la campagne et la maison style renaissance avec un grand jardin a KALOUGA à la périphérie (Serebriakovskaia oulitsa ) . Mais ils dépensèrent vite leur fortune et il ne resta que la jolie
maison à KALOUGA .
Mon père Vyatcheslav naquit à 7 mois, car ma grand-mère Catherine tomba dans l’escalier en voyant par hasard l'infidélité de son mari ... Vyatcheslav fut mis dans des peaux de lapin qui lui remplacèrent l'intérieur chaud de sa mère, et il a survécu.
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Après Viatcheslav ma grand-mère eut encore Youry et Vladimir
Les moyens matériels de la famille diminuaient rapidement et mon grand-père Ivan Ivanovitch était obligé de prendre un service dans une administration à POLOTSK Depuis ce temps il ne vivait plus avec sa famille restée dans la maison de KALOUGA.
Ma grand-mère Catherine fut obligée d'élever ses 5 enfants toute seule . Je n'ai aucune connaissance sur la jeunesse et l’éducation du fils ainé Nicolas et la fille Nina . Mon père Vyatcheslav fut admis dans une école militaire secondaire à POLOTSK ( a l'ouest de la Bielo-Russie) et voyait son frère tous les dimanches. Youry et Vladimir firent leur études au lycée d'État à Kalouga . Ensuite ces trois garçons sont devenus officiers de l'armée du Tzar après avoir fait une préparation spéciale. Après Vladimir réussit à achever l'Académie Militaire à Moscou et devint officier d'état-Major . Pendant que les enfants étaient à l'école la famille vivait très modestement et la belle maison était hypothéquée . Ma grand-mère Catherine supporta sa situation difficile avec une grande dignité et fermeté . Pour améliorer la situation matérielle de la famille, elle engagea deux ou trois jeunes modistes et se lança dans la couture . Exercer un métier était considéré comme très dégradant pour une famille noble, mais à Kalouga elle jouissait d'un grand respect.
Mon père se maria avec ma mère quand elle eu 20 ans et lui 27 . II était officier d'artillerie . Mais (« Je ne sais pas si c'est sous l’influence de ma mère ) il abandonna sa carrière et entra à l'École Polytechnique de Varsovie . Peu après éclata la guerre de la Russie avec le Japon (1905 ) et il dut reprendre son uniforme militaire et partir à Vladivostok.
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Comme cela se faisait pendant la guerre parmi les femmes, ma mère passa rapidement l'Examen d'infirmière et partit avec son mari . II roulèrent dans le train transsibérien . Quand le Dieu a voulu que je vienne au monde ma mère fut obligée de quitter mon père et aller chez sa mère Adelaide à Vilno . C'est là que je suis née .
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· La guerre du Japon fut bientôt finie et mon père rejoignit ma mère et moi. Je ne sais pas les détails de ma première enfance . Je sais qu'à un an j'ai eu la diphtérie et j'ai failli mourir ; Après Vilno nous étions a KOUNO ( ville de même région ) .) Après, mon père résolut de poursuivre ses études et rentra a I'ecole Polytechnique de LESNOI (aux environs de St. Petersbourg) dans la section de construction navale. Combien de temps il y resta je ne sais pas, mais son expérience militaire et ses connaissances techniques l'inspirèrent d'inventer son premier appareil pour bombarder d'un avion en vol un objectif immobile .
Pour réaliser son invention il fallait de nouveau rentrer au service militaire, car c'est le Ministère de la Guerre qui s'occupait de ces questions et donnait les subsides
Je commence mes souvenirs à partir de quatre ans . Ma mère Olga et moi nous étions à Rostov sur Don dans la famille de Nicolas Ado Ingénieur des chemins de fer . Sa femme Maria était la sœur de ma mère et leurs filles Vera et Olga mes cousines germaines . Je les ai beaucoup aimées. L'année suivante mon oncle Nicolas Ado fut à LIBAVA (Libao) sur la mer Baltique . Ma mère et moi nous étions toujours avec cette famille.
Mes souvenirs (j'avais 5 ans ) étaient plus nets . Ma mère promenait tous les jours ces trois enfants Vera Olga et moi. C'est là-bas j'ai vu le premier avion (En Russie ) . Une grande foule se rassembla sur la plage sablonneuse et regarda en haut. À un certain moment j'ai vu une planche se déplaçant dans le ciel , tout le monde était en extase et moi en déception : Un avion, ce n'est qu'une planche ! ! !
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Nos vacances.
Pendant deux ou trois étés de suite ma mère et moi nous sommes allées dans une propriété à la campagne aux environs de Vitebsk en Bielorussie . Elle appartenait a mes tantes (tantes de maman ) Charlotte et Amelia , les sœurs de ma grand-mère Adelaide . Cette charmante propriété s'appelait Michevo . Je garde mon meilleur souvenir de ce nid de gentils hommes et même maintenant je tiens dans mon esprit beaucoup de détails : J'ai joué là-bas avec mon cousin, germain Vsevolod et les petites filles de la tante Amelia , mes cousins. J'ai appris que mon père était en voyage autour de la terre . En quittant Sevastopol ( En Crimée ) il traversa la mer Noire , la partie orientale de la Méditerranée , le canal de Suez , la mer Rouge et en entrant à l'Océan Indien il contourna l'Asie du Sud pour débarquer à Vladivostok; II voyageait en qualité de représentant d'une firme sur un bateau Russe.
J'avais six ans . Maman et moi nous vivions cette année à Moscou . Maman rentra à l'Université Féminine de la Faculté de Lettre de Moscou . Nos moyens financiers étaient très modestes . Maman loua une chambre chez une veuve avec deux filles étudiantes : L'une était en médecine et l'autre au conservatoire de musique . J'avais une " niania " (nurse) ,une simple femme du peuple qui me promenait journellement dans un jardin . Je ne fréquentais pas une école primaire , ma mère m'a appris en jouant lire et écrire de façon que je puisse écrire une courte lettre a mes tantes . L'hiver à Moscou était très froid . En sortant dehors on me mettait de la graisse d'oie sur les joues et on m'emmaillotait avec toutes les écharpes et des tricots possibles avant de mettre un manteau.
Vers le printemps mon père rentra de son voyage et nous nous sommes retrouvés de nouveau ensemble.
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L'année suivante (« J'avais sept ans ) nous avons habité tantôt à Kalouga chez ma grand-mère paternelle, tantôt a St. Petersboug où mon père s'occupait de la construction de son appareil à bombarder.
À St. Petersboug je voyais souvent mon cousin germain Vsevolod ( voir tableau 2 ) de même âge que moi . C'était mon grand ami d'enfance .
Ma mère se sentit fatiguée et on a constaté chez elle un début de tuberculose . Notre parente (la cousine de maman ) von Niedermiller , protestante et hautement placée, avait aidée maman pour entrer dans un sanatorium évangélique en Finlande . C'était un excellent sana allemand ( le docteur principal Zimmerman ). Quant à moi j'étais envoyée a Lodz chez ma marraine (la tante Helene la sœur de maman) .Tiotia Elia (Hélène ) ou simplement Elitchka, était la dame de classe au lycée de filles a Lodz . Elle était logée par le lycée . J'avais huit ans à l’époque où il fallait sérieusement commencer la préparation au concours d'entrée à la première classe du lycée ( 7e en français, maintenant CE2). Ma tante engagea une maitresse qui m'enseignait l'allemand le russe et l’arithmétique . Le catéchisme était enseigné par ma tante, elle-même et par une autre institutrice qui venait a notre domicile . Il faut dire que les cours au lycée duraient jusqu'à deux heures de l'après-midi, donc ma tante était libre tous les après-midi . Elle avait reçu l’enseignement secondaire et assistait tous les jours aux cours dont elle connaissait bien les programmes, surtout pour une débutante comme moi . Nous avons fréquenté l'église du lycée et c'est là-bas que je me suis confessée pour la première fois. ( C'était le genre de la première communion)
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Quand ma mère sortit du sana complètement guérie, j'ai quitté ma marraine pour aller habiter avec elle en Finlande dans une pension de famille . Là-bas j'ai attrape une coqueluche très forte qui durait longtemps. En 1914 les quatre sœurs, y compris ma mère, louèrent, près de St. Petersbourg à Louga, une villa et vinrent avec enfants . Leurs maris travaillaient et prenaient leurs vacances plus tard. Donc j'ai eu en même temps tous mes cousins maternels qui me remplaçaient les sœurs et les frères : Vera, Olga et Vsevolod . Vera avait trois ans de plus que moi et Olga et Vsevolod étaient de mon âge . J'ai été heureuse cet été .
On a remarqué que le soleil se couchait dans un ciel très rouge, ensanglanté comme on disait, et cela ne promettait pas de bonnes choses.....
Tout d'un coup, j'ai entendu parler que la guerre avec l'Allemagne était déclarée.
Nous avons continué notre vie sans grandes secousses. Donc, l'année scolaire 1914 -1915, nous l’avons passée tantôt à Petrograd tantôt a Kalouga . Un jour d'automne mon père lut dans le journal que St. Petersbourg s'appelait maintenant Petrograd, car le premier nom est en allemand tandis que le deuxième signifiait en russe "la ville de Pierre ( Le grand ). Assez d'Allemands, ils sont nos ennemis . La ville Lodz était évacuée et ma marraine habita avec nous a Kalouga . C'est elle, et ma mère aussi, qui m'ont préparées pour le concours d'entrée au lycée de Kalouga que j'ai passé a dix ans avec des mentions : Arithmétique "bien", en russe "bien" et en catéchisme "très bien ". Pendant le temps de la guerre de quatorze, nous habitions loin du front . Mes deux oncles paternels Youri et Vladimir étaient partis au front .Youri fut blessé et amputé d'un bras.
Mon père continuait la construction de son appareil et volait sur les avions de Sikorski . Son appareil bénéficia des grands perfectionnements : A la place de deux grandes caisses qui le
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contenaient, il mit au point une montre appropriée de façon que quand l'avion apercevait l'objectif, il devait appuyer sur un bouton de la montre et, quand la petite lampe électrique montée sur la montre s'allumait ,il fallait lâcher la bombe. Je ne sais pas comment les facteurs de l'altitude de la vitesse d'avion et de l’angle de vision de l'objectif étaient pris en considération . Je sais que les montres venaient de suisse (Paul BOUR)
À cette époque ,mon père avait les possibilités matérielles de faire beaucoup de transformations a Kalouga dans la maison de sa mère Catherine . Il racheta la maison, qui était doublement hypothéquée, et les deux hangars à chevaux qui étaient dans la cour de chaque côté de la belle maison ,et qui étaient en très bon et solide chêne . II les transforma en deux annexes ( fligueles = ailes ) avec des petits appartements ( de trois chambres ) tout a fait mode avec des salles de bain, WC a l'eau , des cuisines et le chauffage central . Une Annexe avec deux appartements était donnée en location, dans l'autre nous avons habité pendant 1914-1915 (année scolaire) Le grand jardin derrière la maison était très long par rapport à sa largeur . Pour augmenter sa largeur mon père acheta la petite propriété d'un coté de la maison et se préparait de faire la même chose de l'autre côté, mais les événements l'empêchèrent de réaliser ses plans.....
C'est ainsi qu'à Kalouga j'ai passé mon concours d'entrée au lycée d'État et j'ai fait ma première classe (CM2 ) En 2'6me ( 6'4me) j'étais déjà à Kiev, car mon père avait été muté chez le grand Duc a Kiev . La « 3ᵉ je l'ai fait à Sebastopol (1916 - 1917 ) et c'est là-bas que la révolution nous a trouvés.
Mon père faisait avec succès ses dernières expériences . Quant à moi j'ai toujours bien travaillé à l'école . Appliquée, j'étais souvent aidée par ma mère surtout quand il fallait rattraper les retards dus à mes interruptions à cause des maladies et j'étais souvent malade .
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La rougeole à 10 ans a Kalouga dura très longtemps . À 11 ans j'ai eu la dysenterie (et c'est la deuxième fois que je fus au bord de la mort ) et les innombrables grippes ( Influenza suivant l'ancienne nomenclature ). À Sebastopol je me suis baignée dans la mer et j'ai l’impression que j'étais devenue plus solide . Mais voilà ce qui se passait extérieurement . J'étais loin des bruits de la guerre . Une fois, étant à Sebastopol, je suis allée prendre ma Leçon particulière de français chez une Française de Lyon mariée avec un officier russe . Elle m'a dit : « Tu sais que votre Tzar a abdiqué de son trône » . Je fus stupéfaite et rentrant à la maison je demande a ma mère « Qu'allons nous faire sans notre Tzar ? » Ma mère m'a répondu tranquillement : « C'est son frère Constantin qui va le remplacer ». Depuis ce temps, je sentis davantage ce qui se passait à l'extérieur de ma famille.
J'ai entendu parler d'un certain Kerensky qui faisait des beaux discours et qui avait la main droite suspendue et bandée, car on lui avait trop souvent serré la main. La rue devenait de plus en plus nerveuse . Les gens avec les rubans rouges se promenaient partout . Les rumeurs se propagèrent qu'on commence à arrêter et fusiller les riches et les bourgeois . Comment s'est produit le changement dans le gouvernement, comment éclata la révolution d'octobre, je ne m'en suis pas rendue compte .
Nous étions à Sebastopol quand une nuit, trois soldats sonnèrent chez nous et demandèrent à mon père de les suivre . Mon père avait alors une forte crise sciatique . II était au lit comme ma mère et moi. II mit beaucoup de temps pour s'habiller et raconta sa vie : qu’il n’était qu’un petit officier occupé de construction de son invention militaire. Les soldats regardèrent les murs de notre modeste logement et dirent « Donc vous n'êtes pas le Général Tolmatchew , vous ne nous intéressez pas ! » et ils partirent. Mon père finit de s'habiller et aussitôt, par des voies détournées, il retrouva les matelots avec lesquels il faisait les expériences sur son appareil. Ces matelots l'aimaient et avec eux il était en sureté.
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Toute cette nuit, on entendit des coups
de fusil. Cette nuit fut appelée « la nuit de Saint Barthélémy ». Beaucoup d'officiers et de bourgeois furent fusillés ... Le matin suivant j'ai pris l'icône de « Prière de Jésus pour la coupe », je l'ai mise dans la petite cabane de notre cour intérieure et j'ai prié chaleureusement qu’il sauve mon père .
Dans quelques jours nous partîmes ma mère et moi pour rejoindre mon père au "Polygone" qui se trouve au bord de la Baie des Roseaux à une vingtaine de kilomètres de Sébastopol.
Nous avons trouvé une chambre chez un fermier français Monsieur Pelletier , a un kilomètre de la maison où habitait mon père avec ses matelots .
Nous avons mangé souvent ensemble avec les matelots qui étaient environ dix . La nourriture était très bonne, mais elle était servie dans un seul plat ou une seule terrine pour tous et chacun se servait de sa cuillère comme c'était en usage chez les paysans.
Cela ne dura pas longtemps . L'anarchie est devenue totale et les matelots commencèrent à se retirer un par un dans leur famille . Ma mère et moi nous pouvions venir et habiter dans la maison où était mon père . C'était Pietié (?). Mon oncle Vladimir, le frère de mon père, est venu avec sa femme Catherine habiter chez nous dans ce coin perdu. Mon pere etait complètement déformé par sa Sciatique . II
avait des grandes douleurs . Alors mon oncle Vladimir chercha des boues minérales a coté de la baie voisine connue pour ses boues médicales . II chauffait ces boues, soit au soleil, soit sur un réchaud et en recouvrait les jambes et le bas du dos
de mon père . Le traitement était très efficace.
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Personne ne travaillait , tout le monde était « libre » . À l'extérieur, se passaient des choses bizarres dont je ne me rendais pas compte. J'étais bien dans ma famille et l'oncle Vladimir m'a appris à nager . Pas loin, était une grande ferme avec les chiens très méchants . Nous avions de bonnes relations avec ces fermiers ;.
Ma tante Catherine était une très bonne ménagère et nous avons mangé dans nos assiettes personnelles. Puis la guerre la Russie avec les Allemands fut terminée . Les Allemands occupèrent l'Ukraine et la Crimée . Un ordre relatif fut rétabli . Nous n'étions plus menacés par les assassins révolutionnaires et nous pouvions sortir de notre coin perdu.
Nous sommes revenus dans notre appartement a Sébastopol . Mon père allait beaucoup mieux . Lui et mon oncle Vladimir, apprirent qu'au Kouban s'était formée l'Armée Blanche, luttant contre les bolcheviques sous la direction du Général DENIKINE.
Sans perdre du temps mon père et l'oncle firent leurs valises et partirent en bateau avec la tante Katia (femme de mon oncle) chez DENIkINE.
Ma mère n'aimait pas voyager en bateau et nous avons pris le train . Nous avons laissé tous nos meubles et la plupart de nos affaires a Sébastopol. J'ai demande ma mère de prendre au moins les albums avec les photos, mais elle m'a répondu avec assurance qu'on va bientôt revenir et qu'il ne fallait pas alourdir nos bagages. Nous avons pris le minimum possible de nos affaires, mais j'ai glissé quelques photos qui m'étaient les plus chères dans une valise.
Nous avons passé par Kharkov pour voir la sœur de ma mère, la tante Maroussia, qui était venue de KIEV pour ce rendez-vous. Kiev était en mains des séparatistes Ukrainiens qui étaient en bons termes avec les Allemands ; donc les trains circulaient entre les deux régions.
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La tante Maroussia vivait avec ses deux filles Vera et Olga a Kiev . Retenue par les études de ses filles elle ne pouvait pas suivre son mari Nicolas chez les DENIKINE . L'oncle Nicolas était Ingénieur de Chemins de Fer et occupait un grand poste dans L'administration. II ne pouvait pas supporter L'anarchie de la révolution et partit aussi comme ingénieur au Kouban chez les Blancs
Alors me voila avec ma mère et mon père au Kouban à Ekaterinodar (Puis Krasnodar). Nous avions un petit logement réquisitionné dans le bureau d'une usine désaffectée .
C'était 1917 - 1918. J'avais 13 ans . Mon père était dans l'administration des trains blindés et en même temps il tachait de lancer sa deuxième invention de tir contre les avions (la D.C.A.)
Quand à moi, je suis entrée au lycée féminin de Ekaterinodar . II y avait beaucoup de jeunes filles arméniennes dans ma classe . Ces Arméniennes travaillaient très bien en classe et j'avais des amies parmi elles. Depuis lors, je garde une très bonne opinion sur ce peuple . Nous avons eu un très bon professeur de russe et nous avons bien étudie cette année la littérature russe . Au début de l’année, je fus malade ; une glande sous le bras était enflée et j'avais une forte température . Un des médecins exigeait une opération et l'autre conseilla des compresses . Ma mère choisit le second traitement et petit a petit tout passa.
Après un grand succès initial de l'Armée Blanche , qui arriva presque jusqu'a Moscou, les Blancs commencèrent à perdre du terrain . Quand ils étaient à Kiev, mes cousines Vera et
Olga avec leur mère partirent pour Rostov pour rejoindre leur père Nicolas . À ce temps-là père fut muté à Taganrog et moi je suis entrée en 6ᵉ au lycée de Taganrog sur la mer Azov . J'avais 14
ans et c'était en 1918 -1919.
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Comme Taganrog et Rostov sont peu éloignées, ma tante Maroussia venait souvent chez nous avec ses filles Vera et Olga. Nous avions deux pièces réquisitionnées dans un pavillon appartenant a un juif assez aisé. Ces juifs étaient de braves gens et, quand notre famille devenait plus nombreuse a cause des visites de la tante Marroussia, ils permettaient à une des filles dormir sur un divan dans le salon . Pendant cette époque une épidémie de typhus ravageait la Russie en guerre fratricide . On distinguait trois types de typhus : Typhoïde ou le typhus abdominal , le typhus exothermique et le typhus à rechute. Tous les trois faisaient beaucoup de victimes dans l'armée et parmi la population . Ma cousine Vera de 17 ans attrapa le typhus abdominal. Elle tomba malade pendant sa visite chez nous a Toganrog. Ayant une forte fièvre, elle était sans connaissance et délirait. Ma tante Marroussia tomba aussi malade, mais sa forme de typhus fut très bénigne . Ma mère s'occupait aussi des malades . À la fin, j'ai eu une jaunisse . Ma pauvre cousine Vera décéda à la fleur de l'age . La douleur de la famille fut très profonde . Surtout son père Nicolas qui en rentrant de Rostov, fut découragé, car c'était sa fille bienaimée.
Mes études au lycée de Taganrog ne durèrent pas longtemps . Les affaires de l'Armée Blanche allaient de mal en pis.
Un jour hivernal, quand la
nouvelle neige étincelait sous les riches rayons du soleil, nous fumes obligés de quitter Taganrog pour nous approcher du port de NOVOROSSYSK, où les navires alliés évacuaient les familles des
militaires combattants pour les sauver des agressions bolcheviques. Notre détachement s'arrêta a la station Krimskaia, pas loin de Novorossysk, où nous avons encore passé quatre mois . Je
n'allais pas en classe, mais j'ai beaucoup lu les classiques russes que je prenais chez la fille de du propriétaire de la maison où nous avons eu une chambre réquisitionnée. La situation de
l'Armée Blanche était désastreuse .
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On reprochait aux Allies (de la guerre 14-18) de ne pas nous aider assez militairement. Mais en tous cas, ils nous ont bien aidés pour quitter notre Patrie en flammes. La plupart de militaires devaient partir en Crimée pour continuer la lutte sous la direction de General VRANGUEL. L'aventure du Général DENIKINE était terminée . Enfin ma mère et moi nous étions embarquées à Novorossisk sur un bateau Anglais. C'était un bateau de charge. Un cargo transportant habituellement le charbon . En vue de la charge humaine, il était bien nettoyé et sur le pont étaient montées des toilettes . Mon père et l'oncle Nicolas Ado nous ont accompagnées jusqu'au bateau . La tante Maroussia et ma cousine Olga étaient déjà parties aux environs de Constantinople . Les hommes partaient plus tard en restant jusqu'a la dernière minute de la vie à l’armée. Donc, voilà ma mère et moi chargées avec nos bagages dans la cale du cargo avec d'autres familles et d'autres hommes invalides . Restant, pendant le départ, sur le pont, nous avons regardé la cote s'éloigner de notre Patrie en espérant de revenir bientôt.
Notre navire, qui s'appelait Braunfels, devait traverser la Mer Noire et aller par Constantinople vers une ile grecque, LEMNOS . Avant de passer le Bosphore nous étions très secoués pendant la nuit, car la mer est toujours agitée en cet endroit . Le matin, nous étions en face de Constantinople et nous admirions, de notre navire, la ville et la mer de Marmara . Quelques passagers qui avaient des moyens matériels, quittèrent le navire pour vivre en Europe libre.
Peu après nous avons continué notre voyage jusqu'a LEMNOS. En arrivant au port de cette ile, on a constaté quelques cas de scarlatine parmi les enfants des réfugiés .
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Nous ne pouvions pas descendre sur terre il fallait rester en quarantaine . Certains malades etaient transportés à l’hopital Anglais sur la rive. Les petits souffraient du froid et de l'absence de leurs meres et mouraient , Ceux qui resterent dans les bras de leurs meres sur le bateau survecurent. Pour faciliter notre vie sur le cargo les Allies ont envoye un beau bateau français pour passagers et nous etions répartis dans des cabines bien equipees , des lits et autres conforts . C'etait le printemps . Nous admirions la mer et le soleil du midi . Nous faisions les connaissances parmi nous et on a meme organise les representations , surtout pour les enfants qui dansaient et chantaient suivant leurs aptitudes . J'ai fait la connaissance de Genia une petite fille de quatre ans plus jeune que moi.
Ainsi nous avons passe les 6 semaines de quarantaine. L'epidemie se termina mais certaines families pleurerent pleurèrent leurs enfants disparus. Notre camp était monté et nous avons descendu sur terre nous étions les hautes du roi d'Angleterre car à Lemnos était une base militaire anglaise et notre équipement et la nourriture étaient fournis par les Anglais .
Nous habitions sous des tentes , quatre personnes par tente . Ma mère et moi étions avec Genia et sa mère, une arménienne mariée avec un officier russe qui resta en Crimée . Les nouveaux arrivés remplirent plusieurs camps et la belle cote de la mer Égée. Était couverte par des émigrés et leurs enfants . Les jeunes se baignaient dans la mer et brunissaient sous le soleil du midi . Moins élégante , mais c'était une vraie Rivera. Très vite on s'est organisé . Dans quelques grandes tentes était organisée une école . Par deux classes consécutives prises ensemble , on a reconstitué un vrai lycée . On a vite trouvé les quelques professeurs nécessaires . Un peu a l’écart, était organisé un théâtre . J'ai assisté à l’opérette "la belle Hélène" Des scouts se trouvaient sous la direction du fameux Oleg PONTUKHOFF . Je suis allée partout, et à l’école, et chez les scouts, et au théâtre et je n'avais pas depour m'ennuyer ni à penser au passé pour l'avenir : j'avais 15 ans en juillet
l
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Ma tante Maroussia avec son mari Nicolas et ma cousine Olga se trouvaient sur une des bateaux en face de Constantinople surchargés d’émigrés russes .
Mon père n'était pas parti en Crimée chez le Général VRANGEL . Étant passionné par sa seconde invention contre les avions ( La D.C.A.) il a eu la chance d'être admis en Yougoslavie pour continuer sa construction et il est parti a Zagreb.
Ma mère correspondait toujours avec mon père et avec la tante Marie
Les succès militaires du General VRANGEL n'étaient pas meilleurs que ceux du Général DENIKINE. Bientôt son armée fut obligée de se replier et quitter la Crimée . La deuxième évacuation était plus difficile et plus dramatique que la première . Il fallait céder la place à Lemnos à cette deuxième vague d'émigrés de la Crimée . Alors nous avons été répartis dans les pays d'Europe, surtout parmi les peuples Slaves des Balkans qui ont gardé le souvenir de l’aide du gouvernement du Tzar a l’époque de libération des Slaves du joug des Turcs . Alors je suis partie avec ma mère a ZAGREB .
A ZAGREB mon père était
logé dans une chambre de l'hôtel Lanie (l'agneau) ou plusieurs pièces étaient réquisitionnées en faveur des émigrés russes . L'hôtel était assez
comme il faut. En plus le roi Alexandre de Yougoslavie donna L'ordre de payer 400 dinars par tête a chaque émigré. Ceci s'appelait "le change " probablement en échange de l'argent reçu autrefois
de la Russie tsariste . Mon père travaillait dans une usine métallurgique en qualité d'agent technique et cette usine était chargée de construction de son DCA sous sa surveillance. Nous avons
fait la connaissance de beaucoup de nos compatriotes . D'abord les trois Nicolas qui travaillaient dans la même usine que mon père, toujours en qualité d'agents techniques .
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Le premier Nicolas Semionovitch qui était un étudiant de l’université russe. On l'a engagé pour me donner les leçons de mathématiques, car il existait un grand écart entre des lycées féminins russes et les Lycées Yougoslaves où les filles et les garçons avaient le même niveau d'instruction . J'ai fait des innombrables problèmes algébriques et géométriques suivant un manuel Russe "Chapochinikoff "et "Vialzeff " que j'ai eu avec moi.
Le deuxième Nicolas Petrovitch venait souvent le soir chez nous et racontait les terribles histoires sur les revenants et autres choses fantastiques . II a beaucoup lu et avait le don de récitation . J'aimais beaucoup l'écouter . J'avais quinze ans et lui trente
Le troisième Nicolas Izmailovitch était le futur mari d'Elena Florovna Goriainoff-Kireeff.
Dans le même hôtel habitait Madame Nevrajine avec sa fille Marine avec un type assez suspect .Les Nevrajine étaient de haute société russe et aimaient aussi venir dans notre modeste chambre ou nous avons habité tous les trois . En ce temps mon oncle Nicolas Ado mourut sur File en face de Constantinople. II a reçu comme beaucoup d'ingénieurs Russes une nomination dans l’administration Yougoslave , mais le Dieu l'appela avant qu'il eut le temps de partir . La tante Marie sa femme ,et Olga ma cousine sont restées seules . Mon père et ma mère ont fait les demandes pour les faire entrer a Zagreb.
Nous avons reçu une plus grande chambre a I'hotel et nous nous sommes installés tous les cinq dans la même pièce . L'hôtel lanie était en train de se fermer et se transformer en Music Hall. Nous sommes restes quelque temps encore dans ses murs . En automne de 1921 ma cousine Olga et moi étions admises au lycée serbo-croate de Zagreb . C'était un ancien lycée autrichien très bien organisé, mais qui est devenu Yougoslave . Presque tous les Slaves parlaient allemand comme le croate . Mais nous deux Olga et moi nous nations fortes ni en croate ni en allemand . Les professeurs étaient très indulgents envers nous et nous ont reçu chaleureusement .
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Nous avions la permission de répondre aux interrogations de l’histoire en russe, car notre professeur savait le russe . Pour l'allemand mes parents engagèrent une dame russe sachant bien l'allemand ( elle était d'origine allemande Mademoiselle MULLER ) Pour une petite récompense, elle venait chez nous et nous enseignait la littérature allemande.
Ma mère nous a beaucoup aidées de traduire les livres croates et elle aussi donnait le coup de main en allemand en dehors de Mademoiselle MULLER . Les élèves et les professeurs s'étonnaient comme nous savions bien répondre aux interrogations . Mais c'étaient les résumés faits par ma mère et Mademoiselle MULLER que nous avions appris consciencieusement par cœur . Les mathématiques ne faisaient pas de difficulté pour nous , surtout pour moi , après les leçons de Nicolas Semionovitch.
Zagreb était une très jolie ville typique de l'Europe centrale avec sa cathédrale gothique sur la place Elotchitch , son grand jardin et le très joli square en face de la gare . La plupart de la population était catholique romaine . Beaucoup de Croates regrettaient le temps des Autrichiens et méprisaient un peu leurs frères Serbes qui étaient a la base du jeune royaume yougoslave . Bien sûr, les Serbes restant longtemps sous la domination turque ne pouvaient pas s'épanouir comme les Autrichiens, mais c'était un peuple très brave et patriotique qui a su se libérer du joug musulman et fonder le jeune pays Yougoslave.
Pour nous , les émigrés russes , les Croates étaient moins fraternels que les Serbes dont le roi Alexandre a reçu son éducation dans la Russie tsariste . Après deux ans de vie a Zagreb ( 1920-21 et 1921-22 ) mon père fut muté a Sarajevo . Ma cousine OLGA et sa mère restèrent à Zagreb et maman , papa et moi nous étions partis a Sarajevo la capitale de Bosnie
Fin du récit de l’enfance de babouchka
la photo de la page 49 a été prise a KALOUGA devant la maison familiale. Je n'ai plus personne pour me dire qui est qui. Les quatre femmes sont certainement : Nina ,OlgaTATARINOV
ma grand-mère , Zinaïda, l'épouse de Youri et Catherine la femme de Vladimir.
L'homme doit être Youri. Babouchka est surement l'un des enfants
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Pourquoi Babouchka s'arrête-t-elle en 1922 à son départ pour Sarajevo ? II aurait fallu lire rapidement son récit et lui dire : Alors , la suite ? Personne ne le lui a dit . Peut-être Babouchka n'a pas voulu réécrire le livre de TROYAT: "Étranger sur la terre" ou "la nuit des princes" de Kessel . Babouchka a raconté son enfance, je vais essayer de reconstituer rapidement ses universités ses études supérieures et ses débuts dans la vie professionnelle.
t-fcr
En 1925 Babouchka a vingt ans : elle habite 1 rue du Dragon a Paris. Après l'allemand et le croate, elle doit vite perfectionner le français qu'elle connait certainement un peu ; les nobles l'ont tous étudié ; mais suivre des cours à la sorbonne, c'est plus difficile . Babouchka raconte dans son précédent récit, que d'anciens professeurs reprennent certains cours le soir en russe. À son premier examen Babouchka a surtout peur de ne pas comprendre le sens des questions qui lui seront posées .
Mais pourquoi les familles Tolmatchev ont elles quitte la Yougoslavie pour la France ? Je pense pour deux raisons : Mon grand-père ne doit plus avoir de travail en Yougoslavie et la France qui a beaucoup de prestige pour les Russes a ouvert ses portes. II suffit de justifier d'un emploi et Renault cherche de la main d'œuvre non qualifiée. Vyatcheslav et son frère Vladimir se présentent à l'embauche de Billancourt et quelque temps après, femmes et enfants suivent et voila tout le monde à Paris . Tout le monde, non, Youri reste en Yougoslavie où nous devons avoir des cousins . Dans ses études Babouchka est très consciencieuse et appliquée et si elle échoue la première
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année au certificat de Mathématiques Générales l'année suivante, elle se présente à deux certificats : Mathématiques Générales au printemps et Physique Générale en automne et elle est reçue aux deux. L'année suivante elle décroche Mécanique Rationnelle et l'entrée a Sup. Elec. Olga Ivanovna sa mère s'occupe beaucoup de sa fille . Les Tatarinov sont d'une noblesse où on parle le français et l'allemand et Olga est douée pour les langues. Malheureusement Babouchka a hérité du génie scientifique des Tolmatchev mais pas des dons de sa mère qui va la suivre et l'aider tout au long de ses études. Les deux parents sont entièrement dévoués a leur fille qui en perd le sommeil et doit interrompre ses études . Le directeur de l'école accepte que Babou recommence l'année suivante . Alors Olga Ivanovna va encore s'occuper de sa fille ; elle lui fait mener une vie régulière et saine avec des promenades quotidiennes et des lectures ; elle lui parle beaucoup.
Vyatcheslav Ivanovitch
travaille comme ouvrier et je pense que la vie ne doit pas être très drôle. Qui connait-il à Paris ? Sa belle-sœur Marie ADO et sa fille Olga . Olga a fréquenté l'université, mais a du se mettre
au travail : la couture à domicile. II y a Elena Florovna et Nicolas Izmailovitch Kireeff rencontrés a Zagreb . Enfin Olga MARKOFF que Babouchka rencontre a la sorbonne et toujours évidement
son frère Vladimir et sa femme Catherine . Paris compte plusieurs églises Orthodoxes qui sont pleines tous les dimanches . Plusieurs quotidiens paraissent en russe. Un lycée russe a Auteuil délivre un diplôme qui a l’équivalence du bac et donne accès à la Sorbonne ;
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des theatres des restaurants russes s'ouvrent a cette armee blanche en exil.
J'ai relativement peu entendu mes parents parler de cette epoque que KESSEL et TOYAT m'ont fait decouvrir. Des que Babouchka termine son ecole. Son pere Vyatcheslav quitte son travail et Paris et va s'installer a Meudon 1 rue Alexandfe Guillemand dans la "villa Mexicaine " ( Cette maison n'existe plus qu'en photo car elle a etc demolie ) avec son frere et quelques amis qui se lancent dans I'artisanat: reparation de chaussures , peinture de foulards , icones , fabrication de poupees d'enfant.
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On dit que les talents sautent des générations. Pour que celui qui a hérité de Babouchka se reconnaisse je joins en annexe une photocopie des notes que Babouchka a obtenues a Sup. Elec.
Nous sommes en juillet 1931 la crise économique bat son plein et ce sont les emplois qualifiés qui sont les plus touches . À l'époque, on ne parle par de préférence Nationale, mais on l'applique de sorte que les cinq ou six compatriotes de Babouchka qui ont terminé la même école ne trouvent pas de travail . II partiront pour les États-Unis ou le Canada et deviendront citoyens américains . J'ajoute que ce sont les États-Unis qui accordent en France des bourses d'études aux étudiants russes et Babouchka en a bénéficié de 1927 a 1931 (voir copie du certificat en annexe). Babouchka est une rare fille à faire des études dans une grande école technique ; elle va trouver un de ses professeurs pour lui demander de l'aider à trouver du travail. II la prend comme secrétaire et lui fait savoir que si elle n'obtient pas la nationalité française il ne peut rien pour elle . II se propose même de la recommander auprès des autorités administratives
Le trois octobre 1933 Babouchka reçoit la nationalité Française . Les frais administratifs sont tels qu'elle est obligée d'emprunter de l'argent a ses amis d'Azambuja. Immédiatement Babouchka a un poste d'ingénieur à la Compagnie de Construction Électrique qui se trouve a Issy les Moulineaux . Elle peut y aller à pied de Meudon . Le travail n'est pas très intéressant , il consiste à calculer et dimensionner des compteurs électriques , or Babouchka a pour vocation la recherche . Elle quitte un temps la Compagnie des Compteurs, mais revient vite à Issy les Moulineaux
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Le mariage , ma naissance puis la guerre font que la proximité du travail la dissuade de bouger et ce n'est qu'en 1945 qu'elle va a Paris à l'Industrielle des Téléphones pour y diriger une équipe de jeunes chercheurs dont deux jeunes agents techniques qui la chahutent . Un matin, elle trouve un rat mort dans ses dossiers , elle va voir le directeur, donne sa démission et malgré le renvoi immédiat des deux plaisantins , Babouchka quitte la société pour entrer chez LTT a Conflans St. Honorine . Heureusement elle y trouve un travail de recherche intéressant comme elle souhaitait . Une nouvelle branche est en train de naitre :L'électronique.
Mais Babou use sa santé dans les trajets journaliers d'environ quatre heures . Heureusement un centre de recherche est créé a Paris avec les premiers ingénieurs sortants des nouvelles sections "electroniques". Babouchka doit "s'accrocher" . Tous les soirs en rentrant à la maison, elle se met sur le lit et étudie les nouveaux ouvrages, mais les meilleurs sont écrits en anglais. Alors Babouchka s'arme d'un dictionnaire et persévère. L'Allemand ,le Serbe, le Français c'est le tour de l
Français c'est le tour de l’Anglais . Au début des années 50 Babouchka baisse les bras et demande à retourner a Con flans St. Honorine au bureau d'études où elle connait bien le travail . Elle a pris une chambre au foyer des Ingénieurs et rentre à Meudon le week-end et le mercredi soir.
Après la mort de son mari début 1954 ;Babouchka tombe malade et d'arrêts de travail en périodes d'activité, elle obtient une préretraite en 1961.
J'espere avoir réussi par ces quelques lignes à donner , surtout a ses petits enfants qui l'ont bien connue , une autre
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image que celle d'une vieille dame un peu bizarre qui avait totalement démissionné de la vie.
Je n'ai parlé ici que des études et de la vie professionnelle de Babouchka . Mon prochain Livre : "Mon enfance" commencera au premier baiser de mes parents .
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C'est en recopiant le prénom de mon grand père du livret de famille que je repense au fameux W qui achève nos noms de famille . C'est Babouchka qui les a mis partout . Pourquoi et comment ? Cela fait plus anglo-saxon disait elle ! ! ! Comment ? Alors que tous les papiers de mon père sont MARKOFF avec FF et que Vyatcheslav se termine par un V sur le passeport ? Eh bien très simplement : Le jour de son manage l'officier d'état civil en remplissant le livret de famille a demandé l’orthographe des noms propres Viatcheslav Tolmatchev et Markoff , Babouchka n'a pas hesite une seconde à dicter des W a tous les sons V et FF...Et mon père n'a rien dit, mais a toujours écrit son nom avec FF.
Vyatcheslav est un bon vivant, il aime les fêtes bien arrosées ( A la militaire ) que sa femme n'apprécie pas . Quand il était militaire il était très indépendant et s'absentait souvent. À Paris il faut partager un espace étroit. C'est un homme de devoir et tant que sa fille fait des études, il va tous les matins travailler . Mais le jour ou Catherine sort de sup. elec. il abandonne son travail et son logement a Paris . II a trouvé a Meudon une grande maison : La villa Mexicaine. La villa est tout près de la gare de Meudon ; Elle n'est pas occupée, car condamnée par un plan d'urbanisme . Mon grand-père s'y installe avec sa famille, son frère Vladimir et sa femme plus un autre ami Vassily . Vassily, répare des chaussures Vladimir fait de la peinture : Icônes , boites , foulards . Vyatcheslav fabrique des poupées et partage quelques autres activités . Babouchka m'a raconté que les hommes se réunissaient dans un atelier ou les femmes n'allaient pas, mais lorsqu'ils tardaient à rentrer chez eux elles n'etaient pas contentes .
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Quand sont-ils tous obliges de quitter la villa ? Je ne sais pas.
Je n'ai qu'un seul souvenir de ma grand-mère : Je suis sur les épaules de mon grand-père qui entre dans une chambre où ma grand-mère est allongée . C'étaient des adieux à ma grand-mère.
Ce moment a dû me frapper très fort alors que j'avais deux ans ; je devais sentir la profonde tristesse de ma mère qui avait été si proche de la sienne et celle de mon grand-père que j'aimais beaucoup.
J'ai des souvenirs précis de mon grand-père . La villa mexicaine n'existe plus qu'en photo . La famille MARKOW habite à Hôtel BLO près de la gare de Meudon Val Fleuri. Au dernier étage il y a des appartements loués au mois. En haut de l'escalier , un couloir dessert d'un côté des "deux pièces cuisine" dormant sur la rue et de l'autre côté des studios . Au fond à gauche sont les MARKOFF et juste en face il y a mon grand-père . La photo où je suis sur ses genoux est prise là. Je suis souvent chez lui , son frère Vladimir vient le voir très souvent et ils se disputent très fort . Je pense que la vodka doit chauffer l'atmosphère . Je garde le souvenir de mon grand-oncle qui quitte la chambre sous la menace d'une chaise que mon grand-père tient en l'air à bout de bras ! Le lendemain, il revient comme si rien ne s'était passé . Dans le couloir vivent d'autres Russes dont un jeune homme , Serge. II est l'ainé d'une famille nombreuse misérable dont le père est alcoolique et qui réside rue Herault . Serge travaille et aide sa famille, mais ne peut supporter ce qui s'y passe . La sœur ainée travaille aussi, mais vit encore rue Herault (plus tard je vous raconterai la suite de l'histoire de cette famille).
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Un jour Vyatcheslav quitte I'hotel BLO et va s'installer 26 rue Herault au premier étage d'un petit pavillon ; il reprend un travail à Villacoublay ou il se rend en car. Un jour de 1943 une bombe lancée d'un avion américain tombe sur le car et c'est la fin de Histoire de Vyatcheslav TOLMATCHEV.
Mon grand-père est au cimetière de Meudon avec les victimes de la dernière guerre et sa tombe est régulièrement fleurie par la municipalité . Babouchka a fait graver MARKOW TOLMATCHEW . MARKOW parce qu'il m'aimait beaucoup et parce que je suis son unique descendant . Sans les W tout serait parfait, car moi aussi j'aime mon grand pere.
FIN