PREFACE et commentaires par Alexis ROSOFF, avril- novembre 2021.
Mon oncle, Ivan Fedorovich Rosoff (1897-1980) a relaté son Périple « de Petrograd à Bizerte (1915-19200) dans «Les carnets de l’Enseigne de Vaisseau de 2ème classe Ivan Rosoff de la Troisième Compagnie des Classes Spéciales de Gardemarines» mis en ligne sur la plateforme « CALAMEO » en 2014. Le texte des versions française et russe a été profondément remanié et fait l’objet d’une republication, réalisée par Paul LOUKINE, sous un nouveau titre : MEMOIRES D’UN OFFICIER DE LA MARINE RUSSE DANS LA TOURMENTE REVOLUTIONNAIRE (Ivan Rosoff). DE PETROGRAD A BIZERTE, Intégrée dans le blog
« La Marine Impériale Russe » https://loukine.fr/
Fin 1920, Ivan ROSOFF et son frère Fédor ROSOFF quittent Bizerte pour la France métropolitaine. Fédor devint ouvrier électricien et Ivan chauffeur de taxi à Paris.
Le 1er septembre 1939, Ivan Rosoff, sentant que les jours qui viennent pouvaient apporter de nombreux changements dans la vie des émigrés russes, est repris par sa passion d’écrire, et dans un cahier, nota du 1er Sept 1939 au 10 juin 1940, son activité, les faits du jour, ses impressions et surtout ses commentaires sur le développement de la guerre, sur la renaissance future de la Russie Éternelle et pure et sur l’Europe Démocratique, selon lui, de plus en plus gangrénée et pourrie.
Dans son cahier, Jour par jour, Ivan Rosoff cite, transcrit en partie et commente les articles de presse du jour. Ivan a soigneusement découpé des extraits de journaux français (principalement PARIS-SOIR et L’INTRANSIGEANT) qu’il a collé dans son cahier. Pour cette période, il y en avait plus de 80 que j’ai scannés et insérés dans le texte qui est placé sur la plate-forme CALAMEO.
La lecture des carnets d’Ivan Rosoff m’a cependant laissé un peu sur ma faim en ce qui concerne la connaissance des événements de cette période tragique de l’histoire de notre histoire, il y a 80 ans, et je me suis demandé si l’auteur n’a pas trop privilégié les événements relatifs à la Finlande, à la Pologne et à la Russie au détriment des autres.
Pour satisfaire ma curiosité et celle du lecteur, j'ai procédé à une recherche approfondie sur le Web pour lister les événements principaux jour par jour. J’ai inséré dans le texte, pour chaque jour, le résultat de cette recherche. Les citations (plus de 90) et les commentaires écrits chaque jour par Ivan Rosoff, montrent que mes doutes n’étaient pas fondés, et que la lecture des quotidiens français lui donnait une connaissance plutôt bonne de ce qui se passait dans le monde (sauf bien entendu en ce qui concerne la Shoah).
Curieusement, à partir du 1er janvier 1940 il n’y a plus une seule coupure de journal ! Et Ivan Rosoff , peut-être par lassitude, n’a plus écrit que pour certains jours ou groupes de jours à cause, dit-il, de la monotonie des événements. Ivan Rosoff s’arrête d’écrire le 10 juin 1940, (8 jours avant l’appel du Général de Gaulle), alors que les Allemands sont à la porte de Paris. Il craignait en effet qu’avec l’occupation allemande, les émigrés russes en France deviendraient plus vulnérables, et que les écrits tels que les siens pourraient lui causer des « ennuis ». Malgré cela j’ai pensé qu’il était tout de même intéressant pour le lecteur d’insérer à la fin du journal la liste des événements principaux glanés sur le Web pour la période allant jusqu'à l’Armistice, le 22 juin 1940.
Indiquer la source pour chacune des informations citées n’a pas été possible dans le format actuel et je présente mes excuses aux ayants-droits éventuels. A noter cependant qu’une très grande quantité d’informations citées provient du remarquable blog http://la-guerre-au-jour-le-jour.over-blog.com/
CHAPITRE 1 du 1er au 10 septembre 1939
1er Septembre1939
Les événements du jour selon (recherche sur le web) :
- A 5 h 45 du matin, sans déclaration de guerre, l'armée allemande envahit la Pologne, par le nord, l'ouest et le sud. En même temps, les aéroports et les grandes villes sont l'objet d'attaques aériennes meurtrières.
-A 10 heures, Hitler réunit le Reichstag et déclare : On s'est trompé sur mon compte. II ne faut pas prendre mon amour de la paix pour de la lâcheté ».
-A 10 h 30, proclamation de la mobilisation générale en France. A 17 heures, l'ambassadeur de -Grande-Bretagne, à 22 heures, l'ambassadeur de France, signifient à l'Allemagne « qu'ils ont l'intention de remplir leurs engagements à l'égard de la Pologne, à moins que l'Allemagne ne suspende les hostilités et n'évacue immédiatement les territoires envahis ».
-L'Italie et le Saint-Siège proposent leurs médiations.
-Le Grand Conseil fasciste réuni par Mussolini proclame la « non-belligérance » de l'Italie qu'il ne faut pas confondre avec la neutralité » (sic).
-Demain mobilisation en Suisse"…
-Manifeste de déclaration de la guerre devant le Reichstag : Hitler Goering comme successeur en cas de sa mort
Le 1er septembre 1939 à 17:59 j'ai commencé mon journal de bord alors qu’on apprenait le bombardement aérien de Varsovie et de Cracovie. Voilà le titre du journal l’Intransigeant de ce jour :
« Sans déclaration de guerre, l’armée allemande a attaqué la Pologne et a bombardé Cracovie et Varsovie. La France a déclaré la mobilisation générale applicable dès demain. La Chambre des Députés est convoquée pour demain matin »
- Devant le Reichstag Hitler a déclaré que dans le cas de sa mort, Goering sera son remplacement -La France et l’Algérie sont placées en état de d’urgence |
Ainsi j’ai décidé de tenir un journal de bord comme je l’avais fait de 1915 à 1921 à l’époque de la première guerre mondiale. En renouvelant une vieille tradition de marins, si je venais à mourir, je demande à qui que ce soit, qui aurait en main mon journal de bord, de le remettre en mains propres, ou par la poste, à mon frère Fedor Petrovich Rosoff ou son épouse Olga Nikolaevna ou à sa belle-mère Marie Grigorievna Ado ou à son fils Alexis, à l’adresse suivante : 133 lotissements de la Muette à Osny (Seine et Oise). Merci d’avance.
Je vais tenir ce journal pour que mes parents, amis et connaissances en Russie, dont nous sommes momentanément séparés par la volonté de Dieu, connaissent ne serait-ce qu’une partie de la vérité en ce qui concerne la vie des Russes, à l’étranger.
Dans ces jours difficiles, nous ne tournons pas le dos à notre grande Patrie, mais nous prions « mon Dieu sauve la Russie !» en se rappelant les célèbres mots du général Souvorov : « Messieurs les officiers, merci mon Dieu, quel bonheur d’être russe ». Dans ce monde injuste, nous sentons tous les jours la grandeur de l’esprit russe, avançant toujours vers la Vérité, même si cet esprit russe est habillé dans l’uniforme rouge du marxisme.
En écrivant mon journal de bord je vais essayer, autant que possible, d’être objectif, mais je l’avoue à l’avance, cela ne sera pas toujours facile, car nos cœurs russes ont tant souffert !
Après avoir traversé deux guerres, deux révolutions, comment pouvions-nous prévoir en 1914 que nous allons passer plus d’une vingtaine d’années à l’étranger, si loin de notre Patrie.
Qui aurait pu penser que Staline, lui-même, étranglerait les marxistes internationalistes contre lesquels notre petit groupe de patriotes s’est soulevé et a combattu pour l’honneur de la patrie et pour la sainte Russie
Aujourd’hui le temps est beau et ensoleillé. En sortant, je remarque immédiatement l’absence de taxis à la station où je travaille d’habitude (boulevard Edgar Quinet).
La rue est particulièrement animée : des hommes, des femmes et des enfants de tout âge, avec leurs bagages, se dirigent vers la gare Montparnasse.
Je me suis dirigé vers la gare de marchandises Vaugirard pour chercher un colis que m’envoie mon ami Kolia Klioutchinsky. Il me bombarde de ses livres qui sont maintenant inutiles. Avec difficulté, le cœur battant et tout en transpiration, je grimpe avec ce paquet jusqu’à mon quatrième étage de la rue d’Odessa.
Ensuite, vers 15 heures, me dirigeant vers le garage, j’ai acheté le journal l’Intransigeant dont le grand titre est cité dans l’introduction ci-dessus.
On voit, dans les quartiers sud-est et le sud-ouest de Paris, le nouveau dispositif de défense contre les attaques aériennes, formé par des ballons aériens attachés à des câbles. Tous les lampadaires dans la rue ont été couverts de couleur bleue pour le camouflage nocturne. Il en est de même pour les fenêtres des maisons.
Un Ensuite j’ai filé vers un restaurant russe qui se trouve à l’angle de l’avenue Émile Zola et de la rue de Javel. Des compatriotes se sont jetés sur moi avec leurs questions : « alors quoi de neuf ? On va se battre ? ». Dans ces instants je sent que, toi aussi, tu devrais faire quelque chose, alors ce que le pays qui nous a accueilli se trouve en danger. Particulièrement on sent l’aspect tragique de notre situation d’émigrés russes.
Je suis allé ensuite chez Tania Ponafidova (l’épouse de notre ami le lieutenant Ponafidov) mais je ne l’ai pas trouvé à la maison. Elle est peut-être partie à Biarritz chez Mitia, ou bien simplement sa sonnette ne fonctionnait pas ?
Du métro « Duroc », je suis rentré à la maison à pied. La nuit était belle, la lune brillait et, malgré le camouflage de guerre, on pouvait se diriger facilement. Partout, il y avait une foule excitée. On disait que la guerre était inévitable. Personne n’avait envie de combattre pour défendre la Pologne et le corridor de Dantzig. Malgré tout chacun pensait à la nécessité de faire son devoir de citoyen.
Je pensais à mon frère Fédor et à sa famille.
2 Septembre 1939
Les événements du jour selon (recherche sur le web) :
-Les Parlements britanniques et français votent les crédits de guerre ». A la Chambre des députés, Gaston Bergery, au Sénat, Pierre Laval, tentent en vain de prendre la parole. A la Commission des finances, le Président du Conseil, M. Daladier, a d'ailleurs déclaré : « le vote des crédits n'implique pas la déclaration de guerre. Le Gouvernement fera tout ce qui est humainement possible pour sauvegarder la paix ».
-La Russie nous trahit une seconde fois, lors du « Brest-Litovsk » et aujourdhui (l’Intransigent)
Je me suis réveillé à 7 heures, et assis sur mon lit, je relisais les journaux du soir.
Tout d'un coup j'ai entendu la clé dans la serrure et je vis mon frère Fedia qui entrait, une petite valise à la main. Il se dépêchait pour aller à Versailles pour se faire enregistrer, c’est-à-dire pour aller au combat.
Nous avons échangé nos opinions sur ce qui se passe et, bien sûr, nous nous sommes disputés.
Sans entrer dans les détails lui dit que je ne pensais pas que la Russie trahissait l’Europe.
- Premièrement, grâce à l’Angleterre, à Brest-Litovsk il n’y a pas eu de signature formelle d’un véritable accord.
- Deuxièmement, ayant encore en mémoire l’abandon de la Tchécoslovaquie à Hitler, je pense que ni la France Angleterre n’ont le droit d’accuser la Russie de trahison. L’accord honteux de Brest-Litovsk a été fait par le Kominterm de Ioffe, Trotsky et cie et non pas par la véritable Russie, celle de Denikine, Vrangel, Koltchak et Korniliov.
- Troisièmement, la Russie a mûri et elle a compris la réalité de l’Europe, à qui elle a toujours été nécessaire comme vache à lait et comme défense physique dans le cas de conflits armés. Aujourd’hui la devise de la Russie est de ne plus tirer les marrons du feu pour les autres, comme elle l’avait fait avant, pour la France et l’Angleterre.
Les événements du jour selon (recherche sur le web) :
-L'Allemagne n'ayant pas daigné répondre à l'ultimatum franco-britannique, l'Angleterre se considère en état de guerre avec l'Allemagne depuis 11 heures, la France à partir de 17 heures. –
-La guerre est déclarée …. Paris- soir
Mais il faut se dépêcher et je cours au garage qui, heureusement, n’est pas très loin, en passant le pont Mirabeau, j’arrive au garage et je prends possession de la voiture (Peugeot 401) de mon ami Petia Poplavsky avec qui je travaille, en remplaçant. Je vérifie l’essence, l’huile, l’eau dans le radiateur, je gonfle les et je vérifie les phares. Faisant le signe de croix, à quatre heures, je commence à travailler sans m’arrêter jusqu’à deux-trois heures du matin. On s’arrache les taxis, l’évacuation de Paris bat son plein mais elle est relativement ordonnée et disciplinée.
Tout le monde se parle à mi-voix comme à l’arrivée de l’orage : on s’attend à l’arrivée de l’aviation allemande.
Dans l'obscurité de la ville les lumières bleues des voitures nous permettent de nous orienter. Après le travail je rentre en partie à pied, en partie dans taxi d’un ami, jusqu’à chez moi à Montparnasse, au quatrième étage du numéro 18 de la rue de d’Odessa.
D'après le réveil il est 3h30 du matin. Après la prière je me déshabille. Soudainement j’entends une sirène lointaine, je ne peux pas croire à une alerte réelle. Mais voilà que les sirènes deviennent fortes et je me dirige vers le 64 du boulevard Edgar Quinet (à côté du cabaret Le Monocle) où est installé l’abri. Je me sens un peu stressé par manque d’habitude, comme dans le vieux temps, avant un examen ou avant le combat.
Je descends donc dans le refuge où je trouve dans la cave tous les voisins, à moitié habillés, avec des lampes électriques et les masques à gaz.
Les femmes, les enfants et les vieux sont tous inquiets. Les hommes aussi. Progressivement les esprits se calment, les gens commencent à plaisanter et dans l’obscurité j’écoute les conversations.
Le refuge est une vieille cave à charbon, on descend quelques marches et on se trouve dans un local avec un plafond très bas dans lequel il est difficile de se tenir debout. Il y a beaucoup de femmes d’enfants et de vieilles personnes. Certains sont assis sur des chaises pliantes, d’autres comme moi restent debout. Pour l’éclairage nous n’avons que nos lampes électriques.
On dit que, c’est grâce à l’accord germano-soviétique que Hitler a pu commencer la guerre avec la Pologne.
J’étais un peu triste d'entendre ces reproches à l’adresse de mon pays, mais il fallait se taire et serrer les dents dans l’attente de la fin de l’alerte.
On est resté dans la cave jusqu’à cinq heures du matin puis on commença à en en avoir assez et, petit à petit, nous sommes sortis dans la rue.
Nous étions un peu rassurés en voyant le ciel étoilé, mais il n’y avait toujours pas le signal de fin d’alerte.
Quelqu'un plaisantait en disant que l'alerte est finie, mais que, par manque d’habitude, on a oublié de donner la fin de l’alerte. Tout le monde se dépêchait de rentrer dans son appartement. J’ai couru à mon quatrième étage et j’allumais un cierge devant les icônes. Après avoir réchauffé un peu de nourriture sur ma lampe à alcool, je me suis couché. Ce n’est qu’à 7 heures qu’on entendit la sirène de fin d’alerte.
Les événements du jour selon (recherche sur le web) :
-Les ressortissants allemands en France sont internés. Comme il s'agit essentiellement de réfugiés ayant dû quitter l'Allemagne en raison de leur opposition à Hitler ou pour des raisons raciales, on se décidera, après enquête, à libérer la plupart d'entre eux. Charles Maurras s'en indigne : juif ou antifasciste, un Allemand ne peut être qu'un espion.
-Les braves Polonais résistent héroïquement aux allemands
-Un navire anglais, "Athenia", est coulé par les Allemands.
La guerre continue surtout à l’est.
Les braves Polonais résistent héroïquement aux Allemands.
Un navire anglais,« Athenia », a été coulé par les Anglais. 1400 passagers ont été sauvés. Les Anglais bombardent le port allemand de Kiehl.
Du côté français, on commence le déploiement des forces terrestres aériennes et navales. L’alerte d’hier soir a été une alerte réelle, car les Allemands ont fait des vols de reconnaissance au-dessus du territoire français.
Aujourd’hui je n’ai pas travaillé le soir. Je suis passé voir Tania Ponafidova mais il se trouve qu’elle est partie depuis deux jours chez Mitia à Biarritz.
Je suis rentré plus tôt et à 11 heures du soir, j'étais couché. Vers 1:45 du matin, je suis réveillé par les sirènes d’alerte. Je me suis dépêché d’aller au refuge : ce fut la même histoire, les mêmes conversations, mais l’humeur générale n’était pas bonne.
Au bout de quelque temps, nous entendîmes un bruit lointain d’explosion et aussi un tir assez proche de la DCA (barrage antiaérien) puis tout redevint tranquille.
Quelques mots au sujet du refuge (abri). À mon avis, c'est un piège à rats car, en cas de chute d’une bombe, nous sommes tous morts. En effet, la maison va s’écrouler, il y aura un incendie et, à cause de la rupture des canalisations, nous seront tous noyés avant que les secours n’arrivent.
Les masques à gaz ne serviront en rien. À propos de masques à gaz, je n’en ai pas, car les étrangers non pas eu droit à la distribution. À quatre heures, fin de l’alerte. Je me dépêche de rattraper le sommeil perdu.
Les événements du jour selon (recherche sur le web) :
-Cracovie est occupée par les troupes allemandes. II apparaît qu'après six jours de combats, toute l'armée polonaise est menacée d'encerclement
Je me suis réveillé assez tôt, vers neuf heures du matin. Le temps est splendide.
Je fais un peu d’ordre dans l’appartement. Soudain, vers 11 heures, j'entendis un tir de DCA assez proche et une minute après les sirènes ont commencé à annoncer l’alerte.
Je pense que cette fois sera plus sérieux, car il fait grand jour. Je finis de boire mon thé et je me dirige vers l’abri. Je n’y suis pas descendu et je suis resté sur le trottoir du boulevard Edgar Quinet. Cette fois-ci le public fut plus inquiet et s’est amassé devant l’abri avec ses masques à gaz. Au bout de quelque temps, on entendit encore les tirs de la DCA et, au bout d’un quart d’heure, les sirènes ont annoncé la fin de l’alerte.
Dans le ciel bleu, on voyait les petits nuages blancs dus à l’explosion des tirs antiaériens.
Je suis parti ensuite vers notre restaurant russe et de là-bas au garage.
Le départ des Parisiens continue, c’est un sauve-qui-peut ! Le travail ne sera que meilleur.
Les nouvelles du front sont laconiques et tranquillisantes, mais celles du front polonais sont mauvaises, les troupes polonaises reculent partout sauf au nord.
Dans les journaux français, on voit des noms des villes polonaises, Lodz, Lvov, Krakov, et puis Lublin où le gouvernement polonais s’est réfugié.
On suppose tristement que les Polonais ne pourront pas résister aux forces allemandes.
Je pense à la conduite honteuse de la Pologne l’année dernière lors de la liquidation de la Tchécoslovaquie par les Allemands.
Bon qui vivra verra. J’ai le sentiment profond et heureux que la Russie est vivante et qu’elle vivra malgré toutes les manœuvres des étrangers qui rêvent de résoudre leurs propres problèmes au détriment des Russes.
Aujourd’hui j’ai travaillé pour la gloire et je me suis couché vers quatre heures du matin.
7 Septembre 1939
Les événements du jour selon (recherche sur le web) :
-Front Polonais :
Les derniers défenseurs de la Westerplatte à Dantzig capitulent. Leur capitulation avait été annoncée que 1er septembre par les Allemands. -Front ouest : Des avants gardes françaises,
limitées à des patrouilles, franchissent la frontière allemande près de SarreLouis, Sarrebruck et Deux-Ponts.
-En tout 11 divisions des 4e et 5e armées avancent sur un front de 32 kilomètres de long. L'opposition Allemande est négligeable.
-Des avions britanniques bombardent l'île de Sylt au nord de la sortie ouest du canal de Kiel-
-en Allemagne, Décret condamnant à la peine de mort toute personne "mettant
en danger le pouvoir défensif du peuple allemand".
-Ordre est donné par Hitler à la Kriegsmarine de ne pas provoquer les pays neutres et en particulier les USA. En conséquence il est interdit de torpiller les navires de ligne civils même si
ils font partis d'un convoi. Il est de même interdit de s'attaquer aux navires Français et de mouiller des mines au large des ports Français.
- Le U33 coule le navire anglais SS Olivegrove à l'ouest de l'Irlande. L’U34 coule le vapeur Britannique Pukkasten
Je me suis levé à midi. Belle journée ensoleillée. Après déjeuner, je suis allé au commissariat de police pour l’enregistrement des étrangers.
Il n’y avait pas beaucoup de monde, mais la désorganisation était totale : les fonctionnaires au lieu d’organiser l’ordre, vous dirigeaient d’un bureau à autre, et pas là où il fallait. Conclusion plusieurs fois il a fallu recommencer pour trouver le bureau correct où on se bornait à prendre les empreintes des doigts des deux mains. Conclusion j’ai perdu trois heures
Aujourd'hui je ne travaille pas, car la voiture est utilisée par son propriétaire, mon ami Petia Poplavsky.
Je suis parti faire quelques achats notamment pour trouver des batteries pour des lampes électriques, qui sont si nécessaires pendant l’alerte.
Nous n’avons toujours pas droit au masque à gaz. Les journaux disent que les masques à gaz seront, au début, prévus uniquement pour les ressortissants anglais et les Américains.
Le soir, je suis allé à la maison du parti «Mladorossy» aux 26 de la rue d’Alleray. J’y ai trouvé des vieilles connaissances et aussi Kasem-Bek. On a parlé de l’attitude des immigrés russes par rapport à la guerre. Je ne suis pas d’accord avec les dernières dispositions du parti concernant les « volontaires ». Je connais parfaitement l’histoire du « mouvement des volontaires » en France. Il n’y a pas de raison de penser que l’opinion générale des Français envers les immigrés russes changera vers le bon côté.
À part cela je considère que nous aurons bien entendu à combattre, mais je crois qu’on ne devrait y aller qu’en qualité de mobilisés et non de volontaires.
En conclusion de cet entretien, on parle aussi du télégramme envoyé par le « chef », c’est-à-dire Kazem-Bek, à Monsieur Daladier. Je commence à réaliser que Kazem-Bek est un incapable qui a étranglé de ses propres mains le parti Mladorossy. Obnubilé par ses succès, il n’est pas du tout un « révolutionnaire » et il s’est embourgeoisé. Il aime manger et avoir une bonne vie. Il apprécie les honneurs et encore plus la gloire. Il veut faire croire aux gens qu’il est un dieu terrestre ! Qu’il n’est coupable de rien et qu’il se débrouille très bien.
Il disait qu’il serait le premier à partir dans une unité d’active, c’est-à-dire au front, mais je ne le crois pas. J’ai des raisons d’affirmer qu’il est un menteur et que ses mensonges ne sont qu’un outil de la lutte interne. Il a trahi le parti auquel il a prêté serment devant l’héritier du trône, le Grand Duc Cyril Vladimirovich. Il me semble d’ailleurs que le grand-duc s’est éloigné du parti, car il sentait que Kazem-Bek n’était pas fait pour le diriger.
D’une manière générale, il me semble clair que Kazem-Bek était un « traître », et c’est pourquoi j’ai décidé aujourd’hui de quitter le parti, sans en indiquer les raisons.
Je suis rentré à la maison à 23:10 et je me couche pour dormir.
8 Septembre 1939
Les événements du jour selon (recherche sur le web) :
- L’Angleterre commence le blocus de l'Allemagne annoncé le 3. Celui ci est un "blocus à longue distance", c'est à dire la fermeture de la zone maritime entre la Norvège et l'Angleterre ainsi que la manche.
-Le président Roosevelt proclame l'état urgence nationale. Les forces armées sont autorisées à augmenter leurs effectifs de façon substantielle.
-A Bedzin 200 juifs sont brulés vivant dans une Synagogue par les SS. Les Allemands Accusent les Polonais et exécutent 30 civils.
-L’Angleterre commence le blocus de l'Allemagne annoncé le 3. Celui ci est un "blocus à longue distance", c'est à dire la fermeture de la zone maritime entre la Norvège et l'Angleterre ainsi que la Manche.
-Front ouest :10 à 15 avions de la RAF bombardent l'île de Sylt à la
sortie ouest du canal de Kiel.
Saarbrücken est encerclé par les troupes françaises
-Combat aérien entre chasseurs français Hawks et chasseurs Allemand Me 109. 2 avions Allemands sont déclarés avoir été abattus.
-Les poseurs de mines Willem van den Zaan et Willem van Ewijk coulent en percutant des mines magnétiques.
-Le U29 coule le pétrolier Britannique Regent Tiger.-Le U34 torpille le pétrolier Britannique Kennebec. Le navire est achevé par la Royal Navy le lendemain.
Comme d’habitude le temps est magnifique : on a envie de vivre et non pas de mourir. Du front franco-anglais, les nouvelles sont laconiques. La guerre, est maintenant une guerre « moderne » dans laquelle l’information est essentielle : il faut garder le secret sur tout ce qui concerne aussi bien le front que l’arrière. On propose aux citoyens d’avoir de la patience.
Et pendant ce temps-là la Pologne résiste héroïquement et verse son sang. Mon opinion est que le sort de la Pologne se décidera dans quelques jours, à moins que ses alliés ne lancent une attaque énergique de diversion contre la ligne Siegfried. En cas de prise de Varsovie, les Polonais seront repoussés vers les frontières russes, là où les attend « l'ours russe ».
Ne parlons pas de ce qu’il y a dans le crâne du colosse russe. Nous n’oublions pas que, dans le passé, les Polonais n’ont jamais manqué une occasion pour l’exciter. En ces jours difficiles pour la Pologne et pour ses alliés, on ne peut oublier ce qui s’est passé à l’époque de la Grande guerre de 1914-18.
Le commandement impérial avait donné l’ordre au général Samsonov d’attaquer pour sauver la France qui se battait sur la Marne. Grâce à ce suicide chevaleresque, la France fut sauvée !
En ce qui concerne le simple soldat français, la presse lui a mis en tête que la Russie c’est « Brest-Litovsk » c’est-à-dire la trahison. Aujourd’hui très souvent on entend dans le public que la Russie nous a encore trahi.
Nous, nous disons que la Russie n’a pas du tout trahi, car il n’y a pas eu de pacte formellement signé, grâce à l’Angleterre, alors que la France et l’Angleterre ont trahi la Tchécoslovaquie pour avoir un petit répit avant la guerre.
L’évacuation de Paris se poursuit, à vrai dire avec un tempo plus lent. J’ai travaillé jusqu’à 2 heures du matin est j’ai bien gagné.
Bon assez pour aujourd’hui. Ce jour, il n’y a pas eu d’alerte.
9 Septembre 1939
Les événements du jour selon (recherche sur le web) :
-Les forces allemandes ont atteint Varsovie. La capitale de la Pologne résiste avec l'énergie du désespoir, malgré des bombardements meurtriers.
-Molotov félicite l'Allemagne pour son entrée dans Varsovie et promet que l'intervention soviétique sera déclenchée dans les prochains jours
-Herman Goering dans un discours à une usine de munition déclare
Nous avons le Nazisme et les russes le Bolchevisme, mais nous sommes 2 peuples qui veulent la paix et nous ne seront pas assez stupides pour nous combattre pour l'Angleterre.
-Le 1er ministre, M. Chamberlain, prévoit une guerre de 3 ans.
-Herman Goering menace de représailles la Grande Bretagne si la RAF bombarde Berlin et assure que celle ci ne sera jamais en mesure de le faire.
- Les polonais en France peuvent incorporer l'armée Française.
Ce matin, j'ai eu la visite de Fédia. J’étais très content de le voir, car ces jours-ci je ressentais une certaine solitude. Et il ne travaille plus, car son patron a fermé « boutique ». Il lui a donné un peu d’argent et il a promis d’en envoyer, au fur et à mesure de ses possibilités.
À propos, il est allé à Meudon et à Versailles pour s’inscrire au service militaire. On lui a répondu que pour l’instant on ne prend que jusqu’à l’âge de 40 ans et que plus tard il sera appelé avec sa « classe ».
À Nicolas Markoff, le père du petit Yvan, on a proposé de s’engager en qualité de « volontaire ».
Il faut être idiot pour accepter cela. Sur le plan juridique notre situation est à peine meilleure que celle des juifs en Allemagne où, en temps de paix, la norme d’incorporation est de 10 % , mais en temps de guerre n’y a aucune limitation pour mourir pour ses « droits » et au contraire, on oblige les juifs à aller combattre au premier rang.
10 Septembre 1939
Les événements du jour selon (recherche sur le web) :
-Le ministre des Finances Paul Reynaud proclame "nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts".
-Le Canada déclare la guerre à l'Allemagne à l'unanimité moins une voix.
-La loi de neutralité proclamée au USA est étendue au Canada.-Un article du New York Time fait référence à la guerre en Europe en parlant de la "Seconde guerre mondiale".
- « L’ennemi ne doit attendre de nous qu’une seule réponse : Assez ! Pas un pas en avant « s’écrie le défenseur de Varsovie le General Czuma (Paris soir)
Cette nuit, il y eut une alerte à 4:20 du matin. J’ai passé une heure avec le public dans l’abri.
Les Polonais se battent aux abords de Varsovie. Le général Czuma, le défenseur de Varsovie, déclare « l’ennemi ne doit entendre de nous qu’une seule réponse : « cela suffit. Ne faites pas un pas de plus » écrit le journal Paris-Soir.
Sur les autres fronts – opérations locales, selon le communiqué officiel.
Aujourd’hui j’ai encore travaillé, et comme on ne dit « pas trop mal ».
Mon voisin, Monsieur Avon, le boulanger qui est en dessous de l’immeuble, me dit tristement à chaque fois que je le rencontre « ça ne va pas, ça ne va pas », je vais finir par fermer la boutique et aller chez moi à la campagne.
Les jeunes jusqu’à 40 ans sont sous les drapeaux, tandis que nous, les plus de 40 ans, on nous prendra bientôt. Question de semaines, peut-être de mois ?
Ces jours-ci je sens l’arrivée de l’automne, partout des feuilles mortes , et le temps est gris et de plus en plus sombre.
Bon ! Ça suffit pour aujourd’hui.
CHAPITRE 2, du 11-09 au 30-09-39
11 Septembre 1939
Les événements du jour (recherche sur le web) :
-Les Allemands contrôlent totalement la zone industrielle de Haute-Silésie. Les troupes allemandes traversent la San au nord et au sud de Przemysl, dans le sud-est de la Pologne.
-L’Allemagne proclame un contre blocus contre l'Angleterre.
-Les Allemands percent le code utilisé par les navires marchands britanniques permettant d'identifier leur position.
-Les Français cessent leurs actions sporadiques contre les Allemands. Ils se rendent compte qu'ils ne peuvent plus aider la Pologne.
Sur le font polonais les combats sont très violents. Je suppose que les Polonais ne tiendront pas en l’absence d’actions de diversion du côté des troupes alliées Anglo-françaises dans les arrières des Allemands. Nous serons obligés de dire « amen ».
Depuis longtemps je pense que les Allemands, après avoir liquidé la Pologne, prendront les territoires de l’époque d’avant la guerre de 14, tandis que les territoires qui faisaient partie de l’ancien Empire Russe (avant 1917) demanderont eux-mêmes à être réunis à la Russie.
Et le régime soviétique les intégrera dans leur état.
Que deviendront les partis communistes du monde entier, seront-ils interdits ou bien ils disparaîtront d’eux-mêmes. Difficile de prévoir.
On dirait que les Parisiens commencent à s’habituer à l’idée de la guerre. À quoi donc l’homme ne s’habituerait pas. Mais la présence de la guerre est visible partout. Tous les bistros et café ferment et, à 23 heures, la ville entre dans l’obscurité sauf dans les rues où il y a des bornes avec la lumière camouflée en bleu, qui permettent la circulation automobile.
Dans la journée, on n’entend plus le son continu de la radio, cet ennemi du silence avant la guerre. Ce n’est qu’à certaines heures seulement qu’on entend à la radio un peu de musique et les communiqués officiels.
Dans les rues, il n’y a que peu de taxis. De manière générale circulation a beaucoup diminué. Le métro travaille toute la nuit sous forme de trains express ne s’arrêtant qu’à certaines gares.
Sur beaucoup de lignes, on a fermé beaucoup de sortie et les arrêts sont rares.
Les marchés dans la rue existent encore, mais seulement à certains jours et à certaines heures ; à cause de la mobilisation, ils sont plutôt vides.
Beaucoup de produits ont disparu, je pense que cela ne durera pas. Avant tout il faut nourrir l’armée et, seulement après, les arrières. Partout on voit des uniformes de soldats. Les prostituées travaillent comme d’habitude. La nuit est favorable à l’amour.
Alors que je roule au volant dans la nuit, je vois des scènes piquantes : psychologiquement, c'est normal, car les jeunes ont envie d’un peu d’amour avant de rencontrer peut-être la mort, au front ou même à l’arrière.
Ce qui me frappe surtout, c'est le silence, partout, dans la rue, dans le bistro et à la maison. Tout le monde parle à mi-voix comme s’il y avait un mort à la maison.
On sent une tension psychique. Je n’ai jamais remarqué, ne serait-ce qu’un peu, d’enthousiasme dans les yeux des gens.
J’ai de plus en plus l’impression que la guerre n’est pas populaire à cause de la Pologne. Malgré tout les Français vont se battre et, disent les journaux, aujourd’hui ils se battent bravement sur la ligne Maginot.
À Franchement parler je pense que s’il était possible de trouver une « formule » pour sortir du conflit en gardant l’honneur, tout le monde l’accepterait, pour enlever de ses épaules le poids des morts quotidiens.
Le communiqué numéro 15 du 11 septembre est laconique : « nuit calme dans l’ensemble. Une avance locale a pu être réalisée par nos troupes ».
Bon, pour aujourd’hui et cela suffit, rien de nouveau ! Je vais dormir.
Les événements du jour (recherche sur le web) :
-Les autorités françaises déclarent qu'elles ont contraintes les Allemands à
retirer six divisions de Pologne, bien que les observateurs britanniques émettent des doutes.
-Les troupes françaises sont à certains endroits à moins d'un kilomètre de la ligne Siegfried, et un assaut frontal contre celle-ci est hors de question.
La grisaille automnale arrive. On ne voit le soleil que rarement. La nuit fut tranquille sans alerte. Comme l’a écrit un jour un écrivain allemand,(un immigré aussi),Éric Maria Remarque, je crois, « sur le front de l’Est, rien de nouveau ».
Aujourd’hui aussi nous ne savons rien avec les communiqués officiels laconiques.
À vrai dire sur le front polonais tout n’est pas tranquille, la ligne du front s’approche de Varsovie.
Ici à Paris tout est calme, le travail des taxis est devenu moins bon, car Paris s’est vidée des promeneurs « inutiles », ceux mêmes qui faisaient travailler les taxis.
Les Russes, ici, échafaudent des hypothèses : que se passera-t-il si la Russie (URSS) entre en Pologne et partage le pays avec les Allemands.
L’opinion générale est que dans ce cas, nous serons considérés comme responsables et que nous serons battus à mort.
Bon assez pour aujourd’hui. Je suis inquiet pour Fedia et sa famille, car ils sont sans travail.
13 Septembre 1939 .
Les événements du jour (recherche sur le web) :
-À l'exemple de la Grande-Bretagne la France constitue un cabinet de guerre. Edouard Daladier cumule les fonctions de président du conseil et de ministre des Affaires
étrangères.
Georges Bonnet, ancien ministre des Affaires étrangères, devient ministre de la Justice, M. Dautry ministre de l'armement et M. Pernot le responsable du blocus.
Je m’apprêtais à sortir pour aller travailler lorsque j’entendis quelqu’un frapper à la porte. J’ouvre et je vois Kolia Klioutchinsky, une petite valise à la main.
Il me raconte qu’il est engagé « volontaire » pour le service dans la marine.
Étant sans un seul kopeck dans sa poche, il me demande de l’accueillir chez moi pendant quelques jours. Je luis réponds « bien sûr » !
Il me dit qu’il est fatigué et qu’il a faim , et qu’il est venu avec sa valise à pied de la gare d’Austerlitz, une bonne trotte de quelques kilomètres.
Je lui donne à manger et je me dépêche chercher la voiture au garage.
Son frère Vitia, qui a subi une lourde opération chirurgicale à l’hôpital de Vaugirard, a été réformé et a été envoyé se reposer à Bergerac, dans le sud de la France, à quelques kilomètres de Bordeaux. Après guérison, il travaillera dans les vignobles avec les autres personnes évacuées.
Kolia, a été envoyé à Limoges, puis à Bordeaux et finalement servira à Paris, au Ministère de la Marine.
Je ne suis parti au garage qu’à 13 heures. Ensuite j’ai été occupé à réparer la voiture dans l’atelier et je n’ai pu travailler réellement qu’à partir de 18 heures. Dans la soirée je suis passé à mon restaurant russe pour le dîner, puis j’ai joué une partie d’échecs avec le capitaine Andréev.
Les chauffeurs de taxi parlaient du travail qui a brutalement diminué et disaient que, nous autres russes, nous auront des « problèmes ». Je suis rentré à la maison à 10 heures du soir. Kolia était en caleçons et sentait mauvais. Je l’ai obligé à se laver.
Assis dans la demi-obscurité, nous avons discuté. Je lui ai raconté mon secret concernant ma rencontre et mon amour avec Rita Keller, et l’impossibilité de mariage, (je l’avais déjà avoué à mon frère et à mes amis).
Il m’a raconté que lui aussi a eu une liaison en 1935-36, et que les parents de celle qu’il aimait se sont opposés au mariage.
Nous nous sommes couchés à une heure du matin
14 Septembre 1939
Les événements du jour (recherche sur le web) :
La Pravda commence une campagne de propagande anti-polonaise avec un article à la une déplorant le mauvais traitement des minorités russes en Pologne.
Nous nous sommes réveillés à 10:30. La pluie frappait à la fenêtre.
A cause de l’invité, tout était pêle-mêle. Après le thé, j’ai conseillé à Kolia d’aller s’enregistrer au commissariat.
Comme je l’écrivais plus haut, le travail n’allait pas bien et ce n’est que le soir que j’ai commencé à trouver des clients. Par manque de travail la plupart des taxis ont arrêté le travail de jour et ont opté pour le travail de nuit.
J’ai correctement gagné ce jour-là et je suis en rentré à pied à deux heures du matin, car le métro de nuit ne plus travaille plus.
Comme disent les Français, sur le front, c'est stationnaire.
Les journaux disent que les Polonais ont repris Lodz et ont chassé les Allemands des abords de Varsovie. Il y a des rumeurs concernant des mouvements de troupes le long de la frontière russe, on dit que les Russes veulent entrer en Pologne, soi-disant pour défendre les minorités Russes.
Pour aujourd’hui ça suffit, on verra ce qui se passera demain.
15 Septembre 1939
Les événements du jour (recherche sur le web)
-Prise de Grawolin : la tenaille s'est refermée sur l'armée polonaise qui va tenter en vain de se frayer un passage vers la frontière roumaine
-Les automobilistes anglais se pressent dans les stations essences à la suite de l'annonce du rationnement du carburant alors qu’aucune date n'est fixée pour celui ci
-Le port de Gdynia est pris par les Allemands
-Brest-Litovsk est capturé par le 19e corps blindé Allemand.
Les nationalistes ukrainiens se soulèvent à Lvov et à Stanislavov, attaquant les quelques unités polonaises présentes dans les environs.
Le matin, il fait gris et il pleut. Nous sommes levés vers midi.
Kolia a commencé à mettre de l’ordre dans sa paperasse et moi je suis parti au travail. Il se trouve que mon ami Petia Poplavsky a pris la voiture sans m’avertir, m’enlevant toute possibilité de travailler. En colère, je suis rentré vers 17 heures.
Dans le journal Paris midi de ce jour et il avait l’annonce que l’URSS aurait déclarée la mobilisation en vue de son entrée en Pologne. Si cela est vrai, la Pologne sera rapidement liquidée et la situation mondiale sera encore plus mauvaise.
Aujourd’hui, deux de mes amis ont été mobilisés dans la défense passive. Je suppose que les plus jeunes seront envoyés au front.
Kolia a été rendre visite au mitchman Nicolas Vassilevsky. La visite de Kolia me dérange quelque peu, car toutes mes pensées et mes forces étaient dirigées sur l’aide à apporter à Fédia et sa famille.
Assez pour aujourd’hui. Kolia est rentré à 23 heures.
16 Septembre
Les événements du jour (recherche sur le web)
- URSS considérant que l'État polonais n'existe plus entre en territoire polonais pour « assurer la sécurité des populations russes de Pologne ». Nous savons aujourd'hui que parallèlement au pacte germano-soviétique un protocole secret garantissait à l'U.R.S.S. la récupération des territoires à l'Est de la ligne Curzon qui avaient été conquis par Pilsudski en 1920. Indignation à l'Ouest
-Un Cessez-le- feu intervient entre les forces soviétiques et les forces
japonaises sur le front de Mandchourie marquant la fin de l'incident de Mandchourie.
Les pertes japonaises sont d'environ 17 000 hommes (dont 8440 morts et 8766 blessés) contre environ 9 284 morts et blessés soviétiques.
-L'U.R.S.S. informe la Pologne que l'armée soviétique entrera en Pologne orientale le 17 septembre "pour protéger les minorités ukrainiennes et biélorusses".
Le temps est gris, on veut voir le soleil que de temps en temps.
Les rumeurs concernant les mouvements de troupe en Russie se confirment. On parle aussi de la signature d’un pacte sovieto-japonais.
Les Français se trouvent en ce moment en bonne position et se rendent compte que nous autres, les émigrants russes, ne sommes pour rien dans cette guerre.
La guerre n’est pas populaire, mais la plupart des Français disent leur volonté de tenir leur parole vis-à-vis de la Pologne.
La plupart des chauffeurs entendent du côté des clients, des remarques inamicales pour tout ce qui est russe et qui pourraient être résumées par quelques phrases telles que « encore un Russe. C’est la Russie qui nous a trahi pour la deuxième fois ».
Et voilà un incident typique dont j’ai été témoin hier : un jeune policier et un Monsieur en civil ont tabassé un chauffeur russe parce qu’il n’avait pas Le petit papier jaune qui disait que le chauffeur a effectué son devoir quant à la mobilisation, certificat prévu dans le décret concernant les apatrides mobilisables.
Il se trouve que lors de son inscription à la mairie les fonctionnaires ont oublié de lui donner ce certificat. Et alors le jeune policier a forcé le chauffeur de sortir de la voiture et à deux (la personne en civil se trouvait être un policier), ils l’ont tabassé en le traitant de « sale étranger qui travaille ici tandis que le français doit aller au front dans une vingtaine de jours ! ».
Pendant ce temps-là le client français du chauffeur, est resté assis dans la voiture, et au moment de payer la course lui a donné sa carte de visite en disant qu’il était prêt à témoigner de l’inqualifiable conduite des policiers.
Le chauffeur a déposé plainte, mais il n’y a eu aucun résultat malgré les certificats médicaux et l’aide d’un avocat. Au commissariat, on lui a fait comprendre que si le policier avait été mobilisable, il aurait été envoyé immédiatement au front.
Je dois ajouter que je n’ai pas entendu parler d’autres cas de ce genre.
Paris s’est beaucoup vidée. Dans la nuit noire, on ne peut travailler qu’aux abords des gares, et si je gagne encore un peu, c’est parce que les taxis sont très rares.
Bon assez pour aujourd’hui, je vais dormir
17 Septembre 1939
Les événements du jour (recherche sur le web)
-L'U.R.S.S. informe la Pologne que l'armée soviétique entrera en Pologne orientale le 17 septembre "pour protéger les minorités ukrainiennes et biélorusses".
-Varsovie est encerclé par les Allemands. Le général Juliusz Rommel, commandant de la garnison, refuse toutefois de rendre la ville sans combat et un siège s'engage. Ce siège est ordonné par Hitler lui même car il considère que Varsovie est une forteresse et qu'elle doit être réduite comme telle.
-L'armée Soviétique et l'armée Allemande font une parade conjointe à
Brest-Litovsk.
-Des membres des services secrets Polonais ayant des informations sur la machine de cryptage Allemande Enigma quittent la Pologne pour Paris.
Le temps est gris, il pleuviote.
Je me suis levé, vers midi. Après quelques bavardages avec Kolia, je vais au garage. Prenant la voiture, je me dirigeais vers le restaurant. En chemin, j'achète le journal. Sur la première page, en grandes lettres, on lit : « Les Russes sont entrés en Pologne ». Les événements commencent à se précipiter à la vitesse de l’éclair.
On entend partout, dans la rue dans le métro « quelle honte ! Quelle injustice ! Les Russes ont encore trahis la démocratie ! , etc. »
Si cela continue ainsi, il est possible que nous autres, les émigrés, seront tabassés, car il faut bien trouver quelqu’un sur qui rejeter la responsabilité de l’échec sur le front de la diplomatie.
Cette nuit, en payant sa course, mon client un Français réserviste dit « cette nuit, je vais dormir sur la paille ».
En rentrant avec la voiture, je suis arrêté par la gendarmerie sur le boulevard Beaumarchais à côté de la Bastille, avec l’ordre : « votre permis de taxi ». Après avoir vérifié les papiers, ils m’ont aimablement et poliment salués en disant : vous comprenez, certains débrouillards travaillent sans avoir le droit !.
La nuit, il y a de plus en plus de surveillance policière.
Finalement j’ai bien travaillé et je suis rentré à la maison vers trois heures du matin.
30 Septembre 1939
Les événements du jour (recherche sur le web) :
-Un gouvernement polonais en exil est formé à Paris. Raczkiewicz est le nouveau président et le général Wladyslaw Sikorski est le premier ministre et commandant en chef des forces armées.
-Le 30 septembre 1939, Adolf Hitler signe la directive numéro 5 « pour la conduite de la guerre ». -La ligne de démarcation à travers le territoire doit être gardée constamment. Plus aucune limitation n’est donnée contre la destruction des navires français dont la cargaison peut donner un avantage à l’ennemi d’autant qu’il possède des colonies importantes. L’Allemagne notifie la Grande-Bretagne que ses cargos armés seront coulés sans avertissements, car ce sont simplement des navires de guerre déguisés, selon la Kriegsmarine
La presse du soir informe que des représentants de l’Allemagne, de la Russie et de la Turquie, ont commencé des négociations.
On apprendra bientôt des propositions sensationnelles du Führer !
Les journaux parlent de la consolidation du pacte germano-soviétique. En ce qui concerne le fait que la France et l’Angleterre (particulièrement l’Angleterre) n’acceptent pas la division de la Pologne et continuent la guerre contre le Reich, toute la responsabilité est évidemment rejetée sur l’Angleterre et, dans ce cas Allemagne et la Russie prendront les mesures nécessaires.
On laissait entendre (en grandes lettres) que le blocus naval n’est pas efficace et que les Russes fournissent à l’Allemagne diverse marchandises en échange du partage de la Pologne. Le blocus, perd donc sa signification et le succès final de la guerre sera douteux pour la France et l’Angleterre.
De toute façon, on verra bien, car nous ne savons pas ce qui se passe dans les coulisses de la politique mondiale.
Selon la presse les Anglais et les Français ont répondu non aux propositions de paix faites par Staline et Hitler. Cela signifie, au moins théoriquement, que la guerre contre Hitler et son régime ira jusqu’au bout.
Il est étrange que l’Angleterre n’ait pas déclaré la guerre à la Russie, comme cela aurait dû être automatique, au vu de l’entrée des troupes Russes en Pologne. Au lieu de cela la presse essaie d’enfoncer un coin dans les relations entre la Russie et l’Allemagne.
Parlant du partage final de la Pologne, la presse insiste sur le fait que la Russie n’a pas occupé un gros morceau de la terre polonaise, ne voulant récupérer que les terres ayant une population russe, c'est-à-dire bélarusse ou ukrainienne.
Assez pour aujourd’hui. Je me dépêche pour travailler. À propos j’ai oublié de mentionner le fait que de nombreux Parisiens avec des enfants reviennent à Paris malgré les conseils : « parisiens ! Ne revenez pas ! »
CHAPITRE 3 du 1-10-1939 au 15-10-1939
1er Octobre 1939
Les événements du jour (recherche sur le web)
-Arrivée en France des chiffreurs polonais transportant deux machines Enigma.
-1er discours radiophonique de Winston Churchill
-L'héroïque défense de Varsovie montre que l'âme de la Pologne est indestructible" et que "La Russie a poursuivi froidement une politique dictée par l'intérêt. Nous aurions pu souhaiter que les Russes occupent leurs positions actuelles en amis et alliés de la Pologne au lieu de les occuper en envahisseurs. Mais le fait pour les armées russes de se tenir sur cette ligne est clairement nécessité par la sécurité pour la Russie face à la menace nazie.
-Hitler déclare que "la Pologne doit être traitée comme une colonie".
-Le matin du 1er septembre 1939, près de Dantzig, en Pologne, éclatait la première bataille de la Seconde Guerre mondiale. Découvrez ci-dessous une sélection des grands titres de la presse internationale couvrant cet affrontement qui allait durer six ans
La nuit dernière, c'est-à-dire la nuit de dimanche au lundi, j’ai été une fois de plus convaincu que le retour des Parisiens prend une grande dimension.
Les gares étaient remplies de public et s’il y avait eu une attaque de l’ennemi, il y aurait eu des milliers de victimes.
Alors que le gouvernement venait de répondre négativement aux Allemands à toutes offres de paix, voilà que les Parisiens rentrent à Paris comme s'il étaient persuadés que la guerre se terminera bientôt !.
Les journaux parlent de la mise en vigueur, en Angleterre, de rationnement avec des cartes d'alimentation. Il y a quelques jours jour les mêmes journaux disaient que c’est en Allemagne qu’il y avait énorme une pénurie de produits d’alimentation.
Voilà encore un autre article du journal. « Le ministre des Affaires intérieures recommande à tous ceux la possibilité, d’aller en province ; la circulation des trains n’est actuellement pas perturbée, mais dans quelques jours les trains seront entièrement utilisés pour les transports militaires. Quittez donc Paris le plus rapidement possible ! »
Je suis certain que tôt ou tard l’Allemagne va s’écrouler, ce qui devrait rendre heureux chaque russe, car selon Mein Kampf, les Allemands ne considèrent pas, les Russes comme des hommes méritant le respect et nous traitent de cochons.
Cependant, pour l’instant, la discipline de fer des Allemands et leur organisation sont des facteurs sérieux dont les démocrates devraient tenir comptes s’ils veulent écraser l’Allemagne impérialiste. Il vaut mieux exagérer la puissance des Allemands plutôt que le contraire.
Pour aujourd’hui cela suffit.
2 Octobre 1939
Les événements du jour (recherche sur le web)
-Les tribunaux spéciaux britanniques commencent à juger les étrangers ennemis, estimés à 50.000 personnes dans la zone de Londres.
Des rumeurs commencent à circuler selon lesquelles la guerre s’arrêtera bientôt avec la liquidation de la Pologne. J’ai l’impression que les Français prennent leur rêve pour de la réalité tant la guerre pour la Pologne est impopulaire.
N’importe quelle propagande pour une fin prochaine de la guerre est accueillie favorablement.
Communiqué numéro 59 : grande activité des patrouilles de part et d’autre au cours de la nuit.
De toute façon la situation est telle qu’il est difficile de trouver une formule pour passer à la normale. D’un côté, il y a une déclaration catégorique de volonté de continuer la guerre jusqu’au bout, de l’autre côté, il y avait proposition de paix.
Il semble que j’ai été un bon prophète en disant qu’il y avait un début de chute de l’Angleterre et de la France vers la catégorie des puissances secondaires.
Bon on verra bien. De toute façon, pour nous autres, les Russes à l’étranger, la position sera de plus en plus difficile et cela veut dire que nous allons perdre la chance de revoir rapidement notre patrie.
Assez pour aujourd’hui
3 Octobre 1939
Les événements du jour (recherche sur le web)
-L'ÉTAT-MAJOR ALLEMAND A‑T‑IL ARRÊTE SON PLAN D'OPÉRATIONS SUR NOTRE FRONTIÈRE ? A cette question, le commentateur du Figaro cite des quotidiens britanniques : «Le Daily Telegraph et le Yorkshire Post s'attachent à démontrer aujourd'hui la façon dont le plan du Quartier Général allemand a été déjoué grâce à la tactique employée par le général Gamelin... Tout indique que le Reich n'a aucun plan au-delà de la conquête de la Pologne... »
On fait beaucoup de bruit autour des voyages aller-retour de Rome à Berlin du comte Ciano (Italie). Peut-être trouvera-t-on une formule pour la conclusion de la paix.
Les grands titres des journaux d'hier soir et d’aujourd'hui parlent du « ballon d’essai » de Hitler en faveur de la paix.
Ce ballon d’essai comprendrait deux points :
1/ la Pologne formerait un état- tampon sous la souveraineté germano-soviétique
2/dans une « conférence à cinq » Moscou mettrait en avant ses exigences pour la Baltique, tandis que l’Allemagne demanderait le retour des anciennes colonies allemandes.
En dessous de ces titres, il y a la réponse de Londres : si telles sont vos propositions, alors ce pas la peine de les formuler.
Dans la « cuisine internationale » on prépare des pactes d’assistance mutuelle, notamment d’un pacte « Anglo – Franco – turc ».
Pendant ce temps-là la guerre continue. Un navire danois, le « Bendia », a été envoyé par le fond par un sous-marin allemand : résultat 11 morts et sept sauvés. L’opinion générale semble plus souple en ce qui concerne cet acte de piratage. Dans l’annonce officielle, il y a une remarque : pendant la semaine passée aucun navire anglais n’a été coulé par les Allemands.
Le diagnostic est que les Allemands commencent à avoir quelques difficultés.
Il me semble que dans la lutte actuelle sur les fronts interne et externe, on tient de plus en plus compte de l’aspect psychologique de la démocratie occidentale. Comment expliquer qu’avec Boukharine et Rykov à Moscou, on écarte du pouvoir les juifs, tels que Trotski, qui écrivent leurs Mémoires contre Staline. À propos il y a des rumeurs concernant l’exécution de Litvinov
4,5,6,7 et 8 Octobre 1939 4,5.6,7 и 8-го Октября.1939г.
Les événements du jour (recherche sur le web)
- 6 Octobre Hitler « offre la paix à la Grande-Bretagne et à la France, le problème polonais ne se posant plus ». Plusieurs Etats neutres et le Vatican appuient cette démarche. Refus catégorique des Français le 10, des Anglais le 12 octobre.
-Maurice Thorez, secrétaire général du parti communiste et mobilisé en tant que soldat, déserte et rejoint l'URSS, alors en paix avec l'Allemagne (paix formalisée par un pacte de non-agression).
-4 octobre : Hitler ordonne la préparation de l'invasion de la Belgique, de la France, du Luxembourg et de la Hollande
Compte tenu de la monotonie des jours (le travail diplomatique dans les coulisses mondiales ne nous étant pas connu), je me contente de faire une revue de ce qui s’est passé du 4 au 8 octobre.
À l’offre allemande de paix, Londres a répondu par la négative (d’après le journal Paris-Soir). Chamberlain a déclaré au Parlement qu’il n’y aura pas de paix avec Hitler. Les journaux disent que les discussions assez vives entre le comte Ciano et Hitler n’ont donné aucun résultat.
D'après les journaux, les rapports entre les Italiens et les Allemands ne sont pas très bons. On dit que Mussolini a déclaré que l’Italie ne combattra jamais contre les Russes. Tout cela reflète l’espoir d’une rupture entre Rome et Berlin. Il est vrai que l’Italie n’a pas avec l’Allemagne de pacte analogue au pacte germano-soviétique.
Pour l’instant la guerre continue. Un navire militaire allemand a fait prisonnier un cargo suédois « Korstholm » transportant du bois et du papier de la Finlande vers Wilmington aux USA. De son côté un sous-marin français a pris le contrôle et a ramené au port, on ne sait quel navire cargo.
Sur les fronts, des activités diverses d'artillerie et de patrouille. Un essai des Allemands de percer à Pirmasan a été repoussé (communiqués 62 et 63)
Sur le plan intérieur, on commence à faire la guerre aux communistes.
Le journal Paris-Soir du 4 octobre annonce :
26 ex-députés communistes sont arrêtés. Les interrogatoires continuent.. Sur ordre du juge d'instruction militaire du troisième tribunal, les services de la préfecture de police de Paris, et ceux de la sûreté nationale en province, ont procédé la nuit dernière à 26 arrestations (13 à Paris et 13 en province) de députés communistes, membres du groupe « ouvriers et paysans français » etc…
Thorez et d’autres leaders du parti sont disparus.
La plupart des leaders ont été arrêtés. Les municipalités communistes ont été dissoutes et à leur place des personnes « sûres » ont été nommées par les préfets.
Le combat contre les communistes est mené par le ministre des Affaires Intérieures, Monsieur Sarraut.
Pour un régime démocratique avec ses diverses libertés, c’est un coup assez dur. À l’époque de Russie tsariste, une telle mesure aurait été considérée comme despotique et aurait servi de base pour la révolution d’Octobre.
Ne sommes-nous pas témoins aujourd’hui, en Europe occidentale, à la répétition des erreurs du passé. À mon avis une telle mesure est une faute, car elle risque de réveiller la conscience prolétarienne dans la masse de tous ceux qui sont de gauche.
Une propagande intelligente pourrait alors ouvrir les yeux du prolétariat sur l’absence de l’égalité et de fraternité dans les pays dits démocratiques.
9 Octobre 1939
Les événements du jour (recherche sur le web)
-35 des 46 députés communistes français sont arrêtés pour leurs actions contre la guerre.
-Adolf Hitler signe la directive numéro 6 "pour la conduite de la guerre",
ordonnant une offensive à travers le Luxembourg, la Belgique et la Hollande, des que les unités blindées seront prêtes et que le temps sera favorable.
-Hitler : Le but de l'offensive est de battre l'armée française, gagner du territoire en Hollande, Belgique et France du nord pour servir de
base à une invasion de l'Angleterre et protéger la région de la Ruhr. La crainte d'Adolf Hitler est qu'un délai dans cette invasion profite aux alliés pour envahir la Belgique et peut être la
Hollande.
-Finlande : Les réservistes sont rappelés, en réponse aux pressions soviétiques quant à une révision des frontières.
Il semblerait qu’après la liquidation de la Pologne, les actions militaires auraient dû augmenter à la frontière ouest. Les communiqués officiels n’en parlent pas, mais il est vrai q qu’il y a la censure.
De temps en temps, on parle de blessés, cependant à Paris je n’en ai pas encore vu. On a appris la mort de quelques Parisiens russes notamment Troubetzkoy, Kondrachevich etc. malheureusement dans le brouillard de la presse et de la censure, on ne sait pas grand-chose.
Voilà pourquoi j’ai décidé d’utiliser des coupures de journaux, ainsi il sera plus facile d’avoir une image de la guerre de 39.
Aujourd’hui, la première page le journal Paris-Soir publie la photo de la grande revue militaire de Hitler à Varsovie.
Et ce n’est qu’à la dernière page qu’on trouve un petit article concernant la messe pour la Pologne du pape à Rome.
Le diagnostic du français moyen : la Pologne c’est fini, et ce, malgré le fait qu’on vient de constituer en France un gouvernement polonais en exil.
Je lis dans les journaux que la pression des Russes sur les états baltes augmente et que les ministres des états limitrophes viennent tous rendre visite à Molotov. Malgré moi, me vient à l’esprit la possibilité d’une renaissance de la Russie. Les troupes russes occupent petit à petit les points stratégiques de la Baltique pour récupérer notre « fenêtre » sur l’Europe.
Un jour l'autre la Russie récupérera ses anciennes possessions que lui ont été arrachées honteusement à la fin de la première guerre mondiale par le traité de Versailles où la Russie n’avais pas été invitée. À franchement parler l’Angleterre la France et l’Amérique s’en moquent de tout cela.
En Angleterre on craint qu’une troisième puissance ne prétende étendre ses droits, par exemple sur l’Inde. C’est que là-bas, des centaines de millions d’hindous rêvent de se débarrasser des « tommies ».
En lisant la soi-disant presse démocratique on peut ainsi juger des vrais sentiments de l’Europe en ce qui concerne les frontières de la Russie.
Et nous, nous devons être contents bien sûrs de notre situation de « juifs errants ».
Bon cela suffit pour la situation internationale.
En ce qui concerne Kolia Klioutchinsky, ses efforts pour s’engager dans la marine militaire française ne donnent rien, malgré la nationalité française récemment obtenue.
En ce qui concerne le travail, j’en ai chaque jour, mais ce n’est pas terrible.
10 Octobre 1939
Les événements du jour (recherche sur le web)
-Signature à Moscou d'un « pacte de non-agression entre l'U.R.S.S. et la Lituanie. Un pacte analogue a été signé avec la Lettonie le 5 octobre, avec l'Estonie le 28 septembre. Dans les trois cas, les accords prévoient l'implantation des troupes soviétiques dans le pays et entraîneront le rattachement des trois pays à l'U.R.S.S.
-Le premier ministre Daladier rejette officiellement les propositions de paix faites par Hitler. Il affirme que la France continuera à combattre jusqu'à obtenir des garanties pour la sécurité en Europe.
-L'URSS signe avec
la Lituanie un traité
d'assistance mutuelle de 15 ans, analogue à ceux qu'elle a signés
avec la Lettonie et l'Estonie. La ville de Vilnius et son territoire, annexés à la Pologne en 1922, sont restitués à la Lituanie.
Le temps est devenu maussade et il a plu toute la nuit.
Aujourd’hui je ne travaille pas, car il n’y a pas de voiture disponible.
Étant complètement déçu de la conduite des chefs du parti « MLADOROSSY », je me suis dirigé vers les bureaux du parti pour mon pour leur annoncer mon départ définitif du mouvement.
J’y trouvais Platonov, Stéphane Vic, Pachtchenko et d’autres membres du parti, écoutant à la radio le discours de Daladier. Ce dernier parlait de la difficulté de la conduite de la guerre et de la nécessité de mettre en œuvre des cartes de restriction pour le sucre et quelques autres produits. Il termina le discours en disant que nous allons mener la guerre jusqu’à sa fin !
À la fin du discours, j’informais Platonov que mon frère et moi quittons définitivement les rangs du mouvement « MLADOROSSY ». Ils ont tous réagis avec étonnement, en demandant le pourquoi.
Je leur expliquais que je considérais que la tactique actuelle du parti n’est pas correcte, car elle n’est pas « nationale » mais influencée par je ne sais quels étrangers, des maçons ou d’autres escrocs.
Je suis content quand je vois que le processus de renaissance de mon pays se traduit par l’élargissement des frontières de ma patrie.
Je ne veux pas que mon geste aille jusqu’à gêner le renforcement de la Russie Nationale, mais en même temps je pense qu’il y a un risque que les services locaux du Ministère de l’Intérieur de la France prennent des mesures répressives contre les émigrés. Car la France, notre ancienne alliée de la première guerre mondiale, nous a accueillis, mais ne désire pas voir les émigrés avoir une activité politique sur son sol !
Sans pour autant être solidaires avec l'Ouest qui nous a vendu plusieurs fois, je veux, même passivement, remplir mon devoir de patriote vis-à-vis d’elle.
Pour conclure, aujourd’hui 10 octobre 1939, mon frère et moi ne faisons plus partie des« MLADOROSSY ».
11 Octobre 1939
Les événements du jour (recherche sur le web)
-Le ministère de la guerre augmente la production hebdomadaire de gaz moutarde (interdit par la convention de Genève) de 310 à 1200 tonnes
-138 000 soldats britanniques débarquent en France.
-Le premier ministre français Édouard Daladier repousse les offres de paix d'Adolf Hitler
« LES ALLIES AURONT BIENTÔT SUR L'ALLEMAGNE UNE SUPÉRIORITÉ ÉCRASANTE DANS LES AIRS», annonce Sir Kingsley Wood aux Communes. » (Le Journal.)
Les pluies d’automne ont commencé. Notre humeur s’en ressent.
Aujourd’hui, une fois de plus je n’ai pas travaillé et pourtant il me faut de l’argent pour aider mon frère Fedia et mon ami Kolia qui s’est installée chez moi.
Les grands titres des journaux de ce 9 octobre 10 disent que l’URSS a noyé de tracts de propagande toute l’Estonie. Visiblement les Russes ne dorment pas.
Aujourd’hui, dans un bistro, j’entends la conversation suivante : « c’est extraordinaire comme la Russie avale, un par un, les pays avoisinants ». Il s’agissait de deux Français qui échangeaient leur opinion au moment de l’apéritif. Cela m’amène à dire que ce genre de conversation est agréable à nos cœurs russes.
Les journaux français de ce jour donnent beaucoup d’importance à l’action contre les communistes, et seulement après, au discours de Daladier. De même on parle avec des grands titres de la déception de Berlin vis-à-vis du discours de Daladier. À côté, aussi en grandes lettres, on parle de la concentration des troupes russes à la frontière finlandaise.
-Les civils finlandais à côté de la frontière russe commencent à être évacués. Les « étrangers » quittent Helsinki pour la Suède. Le gouvernement finlandais décrète l’évacuation immédiate de toutes les villes frontières.
- Zurich le 11 octobre 1939 : « Hitler a voulu plaire à Staline, le docteur Goebbels, l’antibolchevique, est de nouveau apparu au premier plan
-Londres 11 octobre : d’après les informations moscovites, des centaines de milliers de Russes se sont rassemblées à la frontière sovieto-finlandaise et dans le port de Cronstadt il y a une grande concentration de navires de la Flotte Militaire Russe.
- (Mer du Nord) : l'aviation allemande a de nouveau effectué de nombreuses attaques contre la flotte anglaise. Les navires n’ont pas été touchés, mais les Allemands ont perdu plusieurs avions
-Staline a dit à Ribbentrop « pas un seul soldat rouge »
- Aujourd’hui, à Moscou, il y a une première réunion des Finlandais avec l’URSS.
-Des bateaux et des avions sont évacués de la Finlande vers la Suède
-Face au refus de Chamberlain, Hitler a dit à ses chefs que la Russie tiendra tous ses engagements envers l'Allemagne.
-Riga 13 octobre : après et les États-Unis les états du Nord sont intervenus auprès de Moscou en faveur de la Finlande.
-Communiqué numéro 79 du 13 octobre,. :" La nuit a été tranquille sur tous les fronts. Quelques patrouilles ennemies ont été repoussées.
-Journal du 13 octobre : est-ce que Memel sera la première conquête arrachée à Hitler ? Est-ce que la Lituanie demandera au Reich de revoir les accords d’avril qui avaient donné MEMEL à l’Allemagne
En ce qui concerne la guerre il n’y a pas d’activité visible sur le territoire français.
Comme d’habitude à l’est de rien de nouveau.
On attache beaucoup d’importance à la guerre économique avec l’Allemagne. On a l’impression que, d’un moment à l’autre, il y aura une révolution en Allemagne, on dit qu’à Leipzig « on a tué tous les pigeons, car ils n’ont plus rien à manger, là-bas ».
Voilà un article intéressant qui a été publié à Zurich : suite à une fausse information concernant la signature d’un armistice, les restaurants de Berlin se sont mis à distribuer gratuitement à leurs clients de la bière et des alcools. La viande manque et on commence à manger les pigeons.
Aujourd'hui il est très difficile de prévoir ce qui se passera, car la situation stratégique se modifie très rapidement, en particulier grâce au facteur « russes » c’est-à-dire l’URSS.
Bon assez pour aujourd'hui.
12,13,14 Octobre 1939 12,13,14-го Октября 1939г.
Les événements du jour (recherche sur le web)
-12 Octobre Les territoires polonais occupés par l'Allemagne sont transformés en « gouvernement général ». La notion même de « Pologne » disparaît.
-Le 14 octobre 1939 à 1h30, le sous-marin U47, commandé par le lieutenant de vaisseau Günther Prien, pénètre dans la base navale de Scapa Flow, dans les Orcades, et coule le cuirassé Royal Oak en deux bordées de torpilles. Le bâtiment dont l’équipage est composé de 809 marins et 24 officiers ne recense que 375 survivants.
-12 oct Les Soviétiques exigent de la Finlande la cession d'une partie de l'Isthme de Carélie, et de bases sur la Baltique (Hanko) et sur la mer de Barents (Rybatchi et Petsamo).
-Début des négociations entre la Finlande et l'URSS sur la question des frontières. Celles ci portent sur la rectification des frontières près de Leningrad, dans l'isthme de Carélie et dans la région de Petsam :
-Première déportation des juifs de Vienne et de Prague à Nisko, en Pologne. Les SS supervisent le tout sous la direction d’Adolf Eichmann.
-Le 1er ministre anglais, M. Chamberlain, met en demeure l'Allemagne de choisir entre des garanties fermes pour une sécurité européenne et "une guerre jusque la limite de nos forces".
Les journaux du 12 octobre 1939 informent qu’il y a eu une première réunion entre la mission finlandaise et le gouvernement de la Russie soviétique. En pratique cela ne change pas l’exode de la population finlandaise vers la Suède.
La concentration des troupes soviétiques, et les négociations en cours, sont suivies de très près par la population de la Suède et de la Norvège. On dit que la Suède s’est adressée aux États-Unis avec la demande de faire une pression sur la Russie pour que la Finlande n’ait pas le même sort que la Pologne et la Tchécoslovaquie.
Pendant ce temps-là ministre de la Guerre anglais Belicha chante « les succès » de l’organisation de la guerre par rapport à la période correspondante de la guerre de 1914. D’après ce qu’il dit en cinq semaines 158 000 hommes, dont 20 % de soldats de d’infanterie et 25 000 hommes motorisés, ont été lancés dans la guerre tandis qu’en 1914, pour la même période, en six semaines on n’avait déployé que 148 000 soldats, dont 20 % l'infanterie, et seulement 800 moyens de transport.
La presse anglaise informe que Chamberlain rejettera les propositions de paix de Hitler, les conditions anglaises étant le départ complet des armées allemandes de la Pologne. À mon avis le Führer de l’Allemagne n’acceptera jamais d’abandonner la Pologne. Il n’y a donc pas d’autre solution que la guerre finale et sans pitié ?!
Pendant ce temps, alors que les communiqués officiels disent « sur le front rien de nouveau », les Allemands ont coulé rien de moins que le croiseur « Royal Oak ». On a, semble-t-il, sauvé 400 personnes.
Pour rassurer ses compatriotes Belisha parle des succès remarquables de la lutte contre les sous-marins, ce qui donne la possibilité à l’Angleterre d’avoir autant de pétrole qu’elle veut.
Ceci dit, les Allemands ont transporté en pièces détachées des sous-marins vers l’Amérique du Sud. Cela ne fait que conforter l’idée que les Allemands ont des capacités diaboliques.
Remarque : cela va de plus en plus mal en ce qui concerne le travail.
15 Octobre 1939 15-го Октября 1939г.
Les événements du jour (recherche sur le web)
-Traité sur le transfert vers le Reich des Estoniens d'origine allemande.
Le temps est gris il pleut, et en plus le chômage ne n’améliore pas le moral.
Je suis assis avec Nicolas et je discute de la situation. Nicolas a battu tous les records de correspondance avec son commandant. On discute du bon vieux temps dans le lycée d’Ekaterinoslav. Le développement de la politique internationale en Europe se ferait selon sa logique propre. Après le « non » Anglo-français, il semble que Hitler prépare d’urgence des plans pour la campagne du front ouest. Les correspondants indiquent qu’Adolf Hitler est obligé maintenant d’attaquer, mais il semblerait qu’il n’a pas encore de plan. Dans ces mêmes journaux, on décrit en détail une visite de la ligne Maginot pour laquelle les Français disent « qu’ils essayent seulement attaquer la ligne Maginot, on verra le résultat ! ». D’un côté, on dit que Hitler n’a pas de plan, et de l’autre côté, il y a le fait que les alliés n’ont pas de plan d’attaque.
Il faut penser que la guerre de 1939 est une guerre moderne où l’information est importante et que les communiqués du type « le front est tranquille » cachent en réalité l’absence de volonté de combattre.
Le journal de Paris-Soir du 16 octobre écrit que des avions alliés ont pu aller jusqu’à Berlin malgré la défense antiaérienne allemande. Les communiqués officiels disent, eux, que les avions français n’ont participé à aucune de ce genre d’attaque.
Pour un simple citoyen il y a de quoi réfléchir : guerre jusqu’au bout, attaque profonde aux arrières de l’ennemi, lancement de tracts que l’aviation allemande ne peut pas arrêter, et voilà que les communiqués officiels donnent des nouvelles tranquillisantes, n’y a-t-il pas derrière tout cela simplement le désir de paix. Une voisine française, Madame B. m’a dit qu’elle écoutait le soir la radio des « traitres de Stuttgart », et vous savez Monsieur, dit-elle « il y a pas mal de vérité dans ce qu’ils disent ». Elle pense qu’il n’y aura pas de guerre véritable !
Bon, suffit pour aujourd’hui.
CHAPITRE 4 du 16-10-1939 au 31-12-39
16,17,18,19,20 et 21 Octobre 1939 16,7,18,19,20 и 21-го Октября 1939г
Les événements du jour (recherche sur le web) (dans le désordre de 6 jours)
--16-10 Début des entretiens finno-soviétiques en vue de l'échange de territoires. Les Soviétiques veulent la cession de quelque territoire près de Leningrad, le contrôle des îles du golfe de Finlande, et utiliser le port de Hanko et d'autres arrangements à la frontière dans le nord près de Mourmansk. En retour, ils offrent plus de territoire. Les Finlandais ne sont pas prêts à faire autant de concessions.
21-10 La marine soviétique occupe les ports des pays baltes. Le croiseur Kirov est à Riga.
-20 Octobre Boris Souvarine dans Le Figaro se demande si l'Union Soviétique ne va pas tenter quelque chose contre l'Empire britannique, l'Afghanistan ou le Turkestan chinois ? « Il ne faut jamais perdre de vue l'état réel de l'U.R.S.S. qui ne lui permet aucune guerre de grande envergure... L'armée rouge est bien capable de soutenir longtemps une guerre défensive. Elle ne saurait quitter son terrain propre sans aller à des désastres contre de grandes puissances. »
-Publication de la 1ere encyclique du pape Pie XII, Summi Pontificatus, qui condamne "le racisme, les dictateurs et ceux qui violent les traités"
-Arrivée du Corps expéditionnaire britannique en France,- les vendanges en
Champagne et en Alsace,- Albert Lebrun, président de la République, à Strasbourg et ses environs,
- une visite du duc de Windsor sur la ligne Maginot,
-Les Français consolident la Ligne Maginot, construisant notamment des tunnels et des dortoirs. Les Britanniques établissent quant à eux de nouvelles fortifications entre la ligne Maginot et la Manche.
-Établissement du premier ghetto juif à Lublin, à l'est de la Pologne.
Nouvelle rencontre à Moscou entre les représentants finlandais et soviétiques
pour discuter de la question des frontières. La délégation finlandaise est conduite par Paasikivi, accompagné par Tanner, le ministre des Finances.
-Au nord de Mourmansk, l'équipage allemand qui s'est emparé du navire américain City of Flint entre dans la baie de Kola.
-Le premier contingent soviétique commence à occuper les bases allouées à l'URSS à la suite de l'accord passé avec la Lettonie
-L'U.R.S.S. annexe officiellement les territoires polonais occupés.
-Début de la chasse de la flotte britannique contre le cuirassé de poche allemand Graf von Spee
. 4 cuirassés, 14 croiseurs et 5 porte-avions sont impliqués dans l'opération.
Tout cela est tellement monotone que je n’écris pas tous les jours. Les informations essentielles apparaissent mieux quand les nouvelles sont groupées sur plusieurs jours. Je pense que les points essentiels sont les suivants :
1) le développement du conflit entre la Russie et la Finlande
2) les raids aériens de l’aviation allemande sur l’Angleterre
3) le réveil des actions militaires en Mongolie entre la Russie et le Japon.
4) la signature d’un accord Anglo-Franco-turc et la cessation des négociations entre la Turquie et la et la Russie soviétique.
5) en France, démobilisation des classes 1909 et 1910.
Voilà les informations principales données aux habitants.
Il y a aussi la conférence des trois rois et un président (Suède, Norvège Danemark et Finlande) à la suite de laquelle le roi Gustave de Suède s’est adressé à l’opinion publique de l’Amérique et de l’Europe.
Le raid aérien des Allemands sur Scapa Flow en Écosse, par la mer à 750 – 900 km de leur base, a fait beaucoup de bruit. Malgré l’insuccès de ce raid, cela montre que l’Angleterre n’est pas à l’abri en cas de guerre « finale jusqu’au bout » et pour la population anglaise il y a la perspective peu agréable d’un grand nombre de victimes civiles.
Pendant ce temps-là les sous-marins allemands continuent à couler des navires : « Nordshire » et « City of Mondalay » .
Pour le premier navire, on a sauvé 223 personnes, et pour l'autre on ne sait pas encore, mais on suppose que l'équipage est sauf.
Dans le domaine de la diplomatie les négociations entre les Turcs et les Russes ont été stoppés grâce à l’accord Anglo-Franco-turc, comme l’a déclaré le président du conseil turc. La signature de cet accord ne sera pas sans influence sur le développement du conflit européen.
Je suppose que cela rendra la Russie plus prudente dans sa politique, aujourd’hui raisonnable, de neutralité et de non-intervention dans la guerre européenne. Cependant, que feront Staline et Molotov, ça on le verra prochainement.
La démobilisation de classes en France commence à se voir : de nombreux soldats circulent dans les rues à Paris.
Bon pour l’instant, c'est tout ce que l’on peut dire de la période passée.
Remarque : je lis une annonce selon laquelle le pape de Rome a parlé du danger que présente l’expansion soviétique (journal 18 octobre 39). De plus en plus souvent me vient à l’esprit l’absence de bonne volonté de la part du chef de l’Église Catholique. Comme dans le passé lorsque l’Église orthodoxe était opprimée, l’Église catholique n’est jamais venue à son secours de sa sœur dans la chrétienté, le Pape s’étant contenté de publier une encyclique sans aucun effet. Il y a actuellement comme un appel à lutter contre le communisme alors que la Russie ne fait que reprendre des territoires qui faisaient partie de l’empire russe avant la révolution.
Les événements du jour (recherche sur le web)
-Voir ci-dessous l’affiche de propagande française pour les emprunts de guerre
Tension entre la Finlande et l'URSS
-Nouvelle rencontre entre la Finlande et l'URSS. La délégation Finlandaise, mené par M. Paasikivi et M. Tanner ministre des finances, fait des contres propositions à l'URSS
-La Finlande comprend l'effort que fait l'Union Soviétique pour augmenter la défense de Leningrad. Comme elle la déjà dit de façon répétée la Finlande souhaite que ses relations avec l'Union Soviétique restent amicales. L'URSS refuse ces propositions :
- Les représentants finlandais Vaïno Tanner et Juho Kusti Paasikivi rencontrent Molotov et Staline au Kremlin. De cette réunion tendue il ressortira que le conflit entre les deux pays est inévitable.
Nous sommes tous habitués au caractère particulier de cette guerre. Pour un observateur impartial, on a l’impression que personne ne veut combattre. Les calculs des démocraties sont que l’Allemagne explosera de l’intérieur et que par conséquent le temps joue contre les Allemands.
Conclusion : ayant des ressources énormes en argent et matériaux, les démocraties ne veulent pas risquer la vie des gens. Aujourd’hui les nerfs sont sous tension des deux côtés, qui sera le plus fort ?
Dans le cadre de mon travail tous les jours, j'observe la masse des gens et je remarque de plus en plus des symptômes qui ne sont pas ceux des nerfs solides. Au contraire chez beaucoup les nerfs sont affaiblis. Il y a l’attente de la fin de la guerre, dont on ne voit pas aujourd’hui le vrai commencement et la fin.
De temps en temps,le bruit des sirènes annonçant l’arrivée des attaques aériennes des Allemands, rappelle à tout le monde le spectre de la mort qui tourne autour de notre tête.
À cela s’ajoutent, l’attente des trains dans les gares, des rames dans le métro et l’absence de distractions à partir de 23 heures.
Et en plus il y a le chômage, la cherté de la vie avec laquelle se bat le gouvernement et la diminution des revenus (ce qui est bien entendu normal en temps de guerre) ainsi que toutes sortes de difficultés de vie causée par l’entrée en guerre.
Récemment j’ai entendu dire d’un Français « c’est difficile je suis certain que la guerre se terminera très rapidement, personne ne veut combattre et les gens trouveront bien une porte de sortie ».
Une telle opinion d’un Français à 100 % après seulement trois mois de guerre, m’a frappé. J’ai essayé de lui remonter un peu le moral en disant que les Allemands n’oseront pas affronter la ligne Maginot. Par politesse, il se dit d’accord mais on voyait qu’il n’y croyait pas.
25 Octobre 1939
Les événements du jour (recherche sur le web)
-25 Octobre« La politique pro bolchevique ne rencontre pas en Allemagne une approbation unanime.‑ les S.S. sont en train d'effacer une grande inscription tracée pendant la nuit sur le mur d'enclos de la villa de M. Von Ribbentrop, portant « Esclave de Staline »... La réaction dans les hautes sphères économiques du Reich n'est pas moins vive. Les grands propriétaires de Prusse orientale ont délégué le colonel Oscar Von Hindenburg auprès de Hitler pour lui fane part de leurs inquiétudes
-La proximité du bolchevisme commence déjà à se faire sentir sur l'esprit de leurs intendants et de leurs paysans » (Le Figaro).
-M. Von Ribbentrop a déclaré.‑ « Le chancelier Hitler n'a jamais manqué à sa parole, car Hitler c'est le peuple allemand et le peuple allemand n'a jamais manqué de parole» (Le Figaro).
L’événement de ce jour est que mon ami Nicolas Klioutchinsky à trouvé du travail. Récemment, juste avant la guerre, il avait obtenu la nationalité française et, pour faire plus européen, à son nom il a ajouté le nom d’un grand-père, plus ou moins tiré par les cheveux, et il appelle maintenant Klioutchinsky-Paul. En tant que citoyen français, il est parti travailler dans une usine de poudres à Bergerac.
1er au 7 Novembre 1939
Les événements du jour (recherche sur le web) (dans le désordre de 6 jours)
-2 nov. La Pologne orientale formant l'Ukraine de l'ouest est formellement intégré dans les républiques soviétiques d'Ukraine suite au plébiscite organisé le mois précèdent.
-L'Allemagne annexe formellement le corridor polonais, les régions frontières cédées à la Pologne en 1919, l'est de la Haute Silésie, la région de Lodz et le district de Ciechanów.
- 4 Novembre Le président Roosevelt promulgue le Neutrality Act: la neutralité américaine est assouplie: les exportations d'armes vers les pays belligérants (on l'occurrence les Alliés sont à nouveau autorisées, à condition d'être payées comptant et transportées sur des navires Nord-Américains (« Cash and Carry »)
-Le cuirassé de poche Graf von Spee passe dans l'océan indien pour menacer les liens entre la Grande Bretagne et les colonies.
-7 nov. Paul Thummel, un agent double, donne le plan de l'offensive allemande à l'ouest au gouvernement Tchèque en exil à Londres.
Cette dernière semaine, l’information importante est la levée de l’embargo américain, qui est un événement économique, mais dont la une portée politique est très importante, dépassant le cadre des frontières, et c’est un coup porté à l’Allemagne. L’Allemagne devra en tenir compte.
Les négociations entre la Russie à la Finlande continuent toujours. Les Finlandais se préparent d’urgence à une guerre quoique, à mon avis, sans espoir.
Les pays scandinaves, avec le soutien platonique des États-Unis et des démocraties européennes, essaie de soutenir la Finlande. De toute façon l’avenir dans le nord paraît sombre.
En Europe apparaît une menace sur la relance de la Belgique. Il n’y a rien d’étonnant à ce que les Allemands frappent de ce côté, et plutôt que de se heurter à la ligne Maginot ils la contournent par le nord.
Les Hollandais se sont mis en « état d’urgence ». Certaines régions sont inondées pour couper la route aux Allemands. Selon les journaux les Allemands massent leurs troupes le long des frontières de la Hollande et de la Belgique.
8 Novembre 1939
Les événements du jour (recherche sur le web)
-8 Novembre Le roi des Belges et la Reine Wilhemine offrent leur médiation: « Souverains de deux états neutres ayant de bonnes relations avec tous leurs voisins... nous sommes disposés à faciliter par tous les moyens en notre pouvoir et dans un esprit d'amicale compréhension la recherche des éléments d'un accord éventuel». (le Figaro).
-A Munich une bombe explose au Bürgerbräukeller 20 minutes après que Adolf Hitler ait quitté le bâtiment, après avoir fait un discours anti-britannique et prédisant une guerre de 5 ans. 8 personnes sont tuées et 63 sont blessés. La réunion rassemblait, comme tous les ans, les vétérans du coup d'état manqué de 1923 par les nazis
Le 8 novembre la reine de Rolande propose, ensemble avec le roi Léopold de Belgique, leurs bons offices pour l’arrêt du conflit armé.
Je suppose que cela ne servira à rien, car on ne peut pas arrêter la machine militaire Anglo-française.
Sur le front la situation est « stationnaire ». Quoique ce ne soit pas comme cela dans les faits : 7 avions de chasse français ont abattu 9 avions allemands de même type et sont rentrés à leur base sans aucun dommage.
Pour ce qui concerne, nous autres, les Russes, le ministre de la Guerre a publié un décret concernant les « apatrides » qui veulent participer à la guerre : ils doivent s’engager dans la légion étrangère.
En d’autres termes, nous sommes considérés comme des « nègres » !. Si je suis désigné pour la légion étrangère, je refuserai. Lors de mon enregistrement à la mairie du sixième arrondissement (place Saint Sulpice) j’avais déclaré que je suis d’accord pour servir dans des unités normales de l’armée française, mais pas dans la Légion Étrangère.
Voilà, pour l’instant, c'est tout. Fédia est passé à Paris et m’a annoncé qu’il commençait à travailler en qualité d’artisan, son patron ne lui proposant pas de travail, car la situation est difficile.
Il ne se laisse pas aller et se bat pour la vie avec énergie. J’ai vu le petit Alexis, Olga l’ayant amené à Paris pour aller voir un médecin. Le médecin a trouvé que les nerfs Alexis ne sont pas en bon état et a prescrit des tas de médicaments. Le petit Alexis est beau, mignon, intelligent et parle déjà bien.
Pour moi le travail va très bien : je n’ai pas travaillé plus de deux ou trois jours cette semaine.
Bon assez pour aujourd’hui. Je vais dormir.
Du 9 au 15 Novembre 1939
Les événements du jour (recherche sur le web)
-10 novembre 1939, les forces allemandes font une série d’attaques de reconnaissances qui sont repoussés par l’infanterie et l’artillerie. Des rapports mentionnent que des renforts allemands sont amenés sur la ligne Siegfried. Le consulat américain aux Pays-Bas conseille aux ressortissants américains de quitter le pays. Les Hollandais renforcent les troupes frontières, annulent toutes les permissions et se préparent à inonder la « zone inondable ».
-11 nov. Ministère des Affaires étrangères allemand réaffirme que la neutralité de la Belgique et des Pays-Bas sera respectée
-Le colonel Charles de Gaulle presse le quartier général de regrouper les chars français dans des divisions blindés. Ses demandes sont rejetées.
-12 nov. Le roi George VI repousse officiellement la médiation de paix proposée par le roi des Belges Léopold III et la reine Wilhelmine des Pays-Bas.
-13 nov. Le Blanche saute sur une mine et coule dans l'estuaire de la Tamise. Il s'agit du premier destroyer perdu par la Royal Navy au cours de la guerre.
-14 nov. Hitler refuse à son tour l'offre de médiation de Wilhelmine et de Léopold III.
-15 nov. Le cuirassé de poche allemand Graf von Spee coule le pétrolier britannique Africa Shell au sud de Madagascar.
Ces derniers jours l'information principale est l'attentat manqué contre Hitler. Une bombe a éclaté lors de la fin d’une réunion privée des vétérans du parti nazi qui se sont réunis pour commémorer le putsch de 1923. Hitler avait quitté la salle quelque minute avant l’explosion.
Selon le journal Paris midi le bilan est de six morts et 60 blessés. Partout en Allemagne, cet attentat a entrainé de nombreuses arrestations de responsables supposés.
Voir la coupure journal du Paris-Midi intitulée « l’explosion à la Bierstube de Munich a fait six morts et 60 blessés ». On dit que Rudolf Hess, héritier supposé Hitler, est parmi les morts.
La presse du monde entier analyse l’événement et suppose qu’il y a une opposition au Führer. Le leitmotiv de ces élucubrations est que la situation en Allemagne est au bord de l’explosion, et que pour les « Boches » (les Allemands) cela ira mal.
Qui est derrière attentat, s’agit-il de « l’Intelligence Service » anglais ou des opposants internes ?
Ce qu’on peut dire pour l’instant, c'est qu’il n’y a pas de « fumée sans feu » et que, en Allemagne, tout ne va pas pour le mieux.
Les Allemands continuent leur pression sur la Belgique et la Hollande. La réaction des alliés est que leur décision a été prise en ce qui concerne la guerre, et que l’intervention de la reine de Hollande et du roi de Belgique ne peut porter des fruits.
En ce qui concerne les affaires finno-russes, aujourd’hui les Finlandais sont optimistes, demain ils sont pessimistes. Dans l’air partout, il y a de la tristesse.
En ce qui concerne notre vie à Paris, on constate que presque tous les réfugiés (75 %), dont beaucoup avec les enfants, sont rentrés à Paris.
Ces jours-ci il y a eu deux alertes nocturnes : dans les deux cas j’étais en train de travailler à la station de taxi de la Gare Montparnasse. Je ne suis pas descendu dans les abris et je suis resté dans ma voiture. Selon les journaux, la DCA a tiré sur des avions inconnus qui ont fait demi-tour vers la Belgique.
Dans les rues, il y a beaucoup de militaires.
Dans la rue, il y a comme un parfum de révolution. Il me semble que les vrais Français commencent à se rendre compte de la situation.
Récemment Léon Blum (président du gouvernement français) a écrit un article dans Paris-Soir intitulé « Le Mystère Russe » très hostile envers la Russie.
Dans la presse, il y a des rumeurs selon lesquelles Litvinov est apparu sur la scène à côté de Staline, à l’occasion de la parade de l’armée rouge à Moscou. Je pense que ce n'est pas pour rien qu’on a remis en liberté Litvinov, que c’est pour soutenir, si cela est possible, à l’étranger « l’internationale juive » et que Staline tournera bientôt le dos à Hitler. On dit que Staline ne s’est rapproché de Hitler que pour mieux l’étrangler ?.
Bon ! On verra demain !
Les événements du jour (recherche sur le web)
-16 nov. près les émeutes qui se sont déroulées à Prague lors des funérailles de Jan Opletal , ce sont neuf étudiants qui sont fusillés et environ douze cents qui sont envoyés dans des camps de concentration par les autorités du Reich. Les SS occupent les universités dans la nuit du 16 au 17 novembre 1939. Le Führer, Adolf Hitler promet de raser Prague si de nouvelles émeutes ont lieu.
-17 nov. Le cuirassé de poche allemand Deutschland arrive dans le port polonais de Gdynia à la suite d'un raid effectué dans l'Atlantique au cours duquel deux navires ont été coulés
-18 nov.en Allemagne, Décret autorisant l'internement des "individus dangereux pour la défense nationale ou la sécurité publique". Les individus considérés comme "dangereux pour la défense nationale ou pour la sécurité publique" sont principalement les communistes qui poursuivent dans la clandestinité leur combat contre la guerre impérialiste et pour la Paix avec l'Allemagne nazie.
-Le paquebot néerlandais KNSM Simon Bolivar heurte une mine magnétique et coule emportant 86 personnes sur les 400 que transportait le navire. L’opinion néerlandaise est scandalisée car le Simon Bolivar naviguait sur une ligne importante et que les lois internationales exigent que le mouillage de mines soit signalé
-19 nov. Le gouvernement français annonce des représailles similaires à celles prises par la Grande-Bretagne à la suite de l'utilisation de mines par l'Allemagne.
-21 nov. La guerre navale est de plus en plus présente au quotidien. En mer du Nord, le 21 novembre 1939, le croiseur léger HMS Belfast qui est sorti des chantiers navals il y a peu, saute sur une mine magnétique dans le Firth of Forth. Très endommagé il est remarqué et entre en réparations jusqu’en décembre 1942! Le même jour dans la Manche, le destroyer HMS Gipsy est à son tour victime d’une mine magnétique parachutée peu avant par un appareil de la Luftwaffe. Coupé en deux par l’explosion de la charge, il coule en quelques instants.
-23 nov. Les croiseurs de bataille Scharnhorst et Gneisenau coulent le croiseur auxiliaire (navire marchand armé) britannique SS Rawalpindi entre les îles Féroé et l'Islande.
-24 nov. sur le front chinois, la bataille du Guangxi du sud s’intensifie le 24 novembre 1939. Les Japonais s’emparent la ville de Nanning après une forte résistance chinoise.
-26 nov. Le croiseur de bataille allemand Gneisenau est sévèrement endommagé par une forte tempête entre Bergen et les îles Shetland
.
Sur les fronts militaires terrestres, tout est tranquille.
À l’arrière dirait qu’il y a un doute parmi les supports populaires sur lesquels s’appuie le gouvernement. Les événements tels que l’attentat contre Hitler ne sont que symboliques et démontrant que rien n’est impossible dans notre siècle.
Il y a de rares combats aériens qui auraient fait des victimes allemandes tandis que du côté français il n’y a pas eu de perte. Sur la mer, il y a du changement : les mines magnétiques. En quelque 10 jours de nombreux navires anglais et français, ainsi que de pays neutres, ont été coulés.
Le problème du travail commence à être difficile, particulièrement pour nous autres, les émigrés russes. Je commence à couler.
26 Novembre au 10 Décembre 1939
Les événements du jour (recherche sur le web)
-26 nov. Premier discours radiodiffusé de la guerre du Premier Ministre. Neville Chamberlain déclare que les Britanniques connaissent désormais le secret des mines magnétiques allemandes et dénonce le mouillage de mines par les Allemands.
-28 nov. Le gouvernement dénonce le traité de non-agression russo-finnois de 1932 et accuse la Finlande d'avoir bombardé des troupes russes dans le secteur de Leningrad. Ordre est donné à l'armée rouge d'envahir la Finlande le 30 novembre. Les préparatifs russes s'intensifient à la frontière russo-finlandaise.
-29 nov. Le gouvernement soviétique rompt les relations diplomatiques avec la Finlande. Molotov annonce que l'armée rouge doit être préparée à toute éventualité
-L'U.R.S.S. exige de la Finlande la cession de la ville de Vyborg, d'un certain nombre de bases dans le golfe de Leningrad et propose un certain nombre de compensations territoriales et financières. --La Finlande ayant refusé (les négociations durent depuis le 21 octobre30 nov.
- 30 novembre : L’URSS attaque la Finlande par surprise, car cette dernière ne voulait pas lui céder des bases militaires - Début de la Guerre d'Hiver (novembre 1939-mars 1940).
-. Les forces soviétiques envahissent la Finlande. Helsinki et Vyborg sont bombardées. L'armée finlandaise peut rassembler en tout seulement 150 000 hommes, regroupés en 9 divisions. Il existe également un grand nombre d'unités indépendantes, mais les réserves sont peu nombreuses.
- A la surprise et à l'admiration générale, ce petit pays de trois millions d'habitants arrive à faire front et dans certains cas l'Armée rouge est contrainte à battre en retraite.
-La Finlande porte plainte auprès de la Société des Nations.
- 3 décembre -Saisie d'une plainte de la Finlande, la SON décide dès le 14 l'exclusion de l'U.R.S.S. Tous les Etats sont invités à soutenir par tous les moyens la nation attaquée. ,
Pour cette période l’événement principal est la guerre de la Russie avec la Finlande. Sans aucune déclaration de guerre, le 30 novembre 1939, les Russes ont attaqué la Finlande, « par terre, par air et par mer » comme disent les journaux.
Les événements suivants ont précédé la guerre :
1/ Incident sur la frontière sovieto-finlandaise (d’après l’annonce soviétique trois soldats de l’armée rouge et un officier ont été tué et neuf autres ont été blessés.
2/ ultimatum de l’URSS ordonnant au finlandais de se retirer à 25 km de la frontière.
3/ les Finlandais ayant refusé l’ultimatum, les négociations ont été rompues.
Ainsi Helsinki et Vyborg ont été bombardé par l’aviation russe. L’armée russe a pris le contrôle de la presqu’île dans l’océan Arctique.
Je ne mets pas en doute la légitimité de la Finlande qui défend son indépendance. Sa haine pour les Russes est normale, chacun veut vivre comme il l’entend.
Cependant, s’il ne s’agissait que d’un problème local, il n’y aurait pas eu de guerre, mais le colosse russe de 180 millions d’habitants ne pouvait admettre qu’il y ait une menace du côté de ses frontières avec la Finlande.
Selon un journaliste français plein d’humour, c’est comme si Monaco avait décidé d’occuper la France. Cependant pour un observateur honnête, il semble naturel que les Russes occupent un territoire qui appartenait à l’empire russe jusqu’à 1917.
Néanmoins lorsqu’on entend autour de soi les voix inamicales à l’adresse de notre patrie occupée actuellement par les derniers Mohicans « d’octobre », le problème finlandais prend, pour nous autres russes, une signification particulière.
En fait ce n’est un secret pour personne que les états limitrophes (mort-nés par le traité de Versailles de 1918) ne peuvent pas survivre à notre époque sans l’aide financière des grandes Puissances (Amérique, Angleterre, France et Allemagne). S’ils deviennent indépendants, ils seront très rapidement des jouets entre les mains des trusts capitalistes internationaux.
On a tout dit et si tu veux vivre fais ce qu’on t’ordonne.
Les événements de 1938- 39, c'est-à-dire Munich (abandon honteux de la Tchéquie à la suite de l’annexion coupable « l'Anschluss » de l’Autriche), la guerre entre l’Allemagne et la Pologne où on a laissé faire la division de la Pologne, l’annexion officielle des pays de la Baltique par l’URSS, tout cela constitue le témoignage de la désaffection de l’Europe envers les petits états. Et derrière tout cela on voit l’ombre des grands maraudeurs avec leur puissance financière.
Cela me fait sourire lorsque je lis dans la presse démocratique européenne l’indignation plus ou moins sincère au sujet de l'agression de la Finlande par les Russes. Ces gens ont une mémoire sélective : ils ont oublié de parler de l’Éthiopie et de l’Albanie par exemple !
Pour un témoin impartial, le problème finlandais mérite une double approche. À partir du moment où derrière le dos des Finlandais il y a les Allemands, les Américains, les Anglais et les Hollandais qui mènent leur politique, la Finlande devient un danger face a l’avidité de l’Europe. Comme disait Pierre Le Grand, la fenêtre sur l’Europe est susceptible d’être fermée pour la Russie, il est donc essentiel pour sauvegarder les intérêts de la Russie de contrôler les points stratégiques terrestres et maritimes tels qu'Helsinki, les iles d’Åland, etc.
C’est uniquement sous cet angle que doit être considérée la guerre qui commence entre la Finlande et la Russie.
La Russie ne doit pas se laisser entraîner dans une guerre européenne, d’un côté ou de l’autre, car en réalité elle n’a pas d’amis véritables.
Le moment n'est pas encore venu.
La difficulté dans la guerre avec la Finlande réside dans les conditions climatiques, le froid et la visibilité toujours réduite.
L’hiver dans le nord ! Et aussi dans l’aspect géographique de cette région comportant des forêts et des milliers de lacs.
Dans cette guerre, l'état-major général russe doit déterminer quels sont les points de faiblesse de son organisation militaire (quantité de personnels, le matériel disponible), corriger ses faiblesses et attaquer avec force tout agresseur qui essaye d’attenter à l’intégrité du territoire de notre patrie.
Ce samedi matin, le 9 décembre, j’étais assis chez le coiffeur et j’écoutais la conversation de deux Français : il ne reste plus aux Français et aux Anglais qu’à donner aux Allemands ce qu’ils ont déjà pris, la Pologne, l'Autriche… et leur promettre la Finlande, et alors les Allemands attaqueront l’URSS.
À mon avis voilà ce que tous les Français pensent au fond.
Et voilà une autre anecdote : dans la nuit, j'ai pris en taxi un soldat français en permission avec sa femme sur la route de Châtillon. Au moment de payer il me déclare qu’il attend avec impatience la libération de ses obligations militaires (il vient du front !). Et moi je lui dis que j’attends avec impatience qu’on appelle au service militaire pour combattre les Allemands, car c’est notre ennemi. Tu es polonais dit-il ? Ayant appris que j’étais un ancien combattant dans deux guerres, la guerre civile en Russie et la guerre contre les Allemands, il me répondit à moitié fâché, « tu ne devrais pas dire cela, car l’heure viendra où nous serons obligés de marcher avec les communistes ».
Je me rappelais alors le bon vieux temps prérévolutionnaire à Moscou, à Piter et à Ekaterinoslav. On ne peut rien prévoir, arrivera ce qui arrivera !
Sur le front ouest rien de nouveau, les bateaux coulent, les sous-marins attaquent, les avions lancent des bombes, et alors on nous dit « tout est tranquille » !
Du 11 au 31 Décembre 1939
Les événements du jour (recherche sur le web)
-12 décembre Conclusion d'accords économiques entre la Grande-Bretagne et la France : les dépenses de guerre seront supportées en commun dans la proportion 1 / 3 pour la France, 2 / 3 pour la Grande-Bretagne.
-13 décembre Le cuirassé allemand Admiral Graf Spee encerclé par trois croiseurs britanniques au large de l'Uruguay est forcé de se réfugier à Montevideo. Contraint de quitter le port, un navire belligérant ne pouvant rester plus de trois jours dans un port neutre, il se saborde. L'équipage du cuirassé est interné. Le capitaine du bâtiment se suicide.
Aujourd’hui 31 décembre 1939 à 17:15 j’écris ce qui suit :
Depuis le 11 novembre deux événements ont eu lieu : la fin du cuirassé « Graf von Spee » et la pause sur le front finlandais.
La fin du cuirassé « Graf von Spee » a eu lieu sur les rives de l’Uruguay, à la frontière avec l’Argentine.
Tout corsaire à une fin. Ce qui compte est qu’il ait rempli sa mission et qu’elle a été sa fin. Il faut l’avouer que la fin du corsaire n’a pas été glorieuse.
Il aurait pu terminer sa vie de manière plus glorieuse comme l’exigent les traditions des marines militaires en combattant jusqu’au bout. Il a refusé le combat et a préféré se saborder.
Le commandant du cuirassé s’est suicidé dans la chambre d’un hôtel dans lequel étaient internés les marins allemands. Il a sauvé son honneur, mais une tache indélébile reste dans l’histoire de la flotte allemande reste.
La bataille du cuirassé allemand avec les trois cuirassés anglais a montré les plus et les moins de chacune de flottes. Les navires anglais étaient plus faibles car le cuirassé était plus rapide et avait un beaucoup plus grand angle de feu grâce au dispositif de déplacement des canons. Du côté des Anglais, les manœuvres des navires étaient remarquables.
Plutôt que d’avoir une fin héroïque dans une bataille, les Allemands ont préféré sauver leur peau et ont sacrifié leur tout nouveau croiseur de poche.
Le deuxième événement est la pause sur le front finlandais.
Toutes les démocraties sont dans l’admiration de la petite Finlande qui se bat contre le colosse russe.
Pour nous autres russes, nous voyons surtout la faiblesse de l'état-major de l'armée rouge. La honte ! Les révolutionnaires ont détruit tout ce qu’il y avait de solide dans l’Armée Impériale Russe.
Sur le front Ouest, comme auparavant, on entend de rares coups de fusil des patrouilles. La ligne Maginot est toujours là, en face de la ligne Siegfried.
C’est une guerre des nerfs.
Pour nous autres, chauffeur de taxi, le travail est de plus en plus mauvais. Je suis en train de couler avec les factures du loyer, du gaz, de l’électricité et de toutes les dépenses quotidiennes.
En gros, une vie triste, et nous voyons approcher le nouvel an 1940. Quel sera l’avenir ? Vivement que nous puissions retourner dans notre patrie.
Je souhaite un joyeux Nouvel An à tous les Russes ici ou ailleurs.
CHAPITRE 5
du 01-01-1940 au 10-06-1940
Du 1er Janvier au 13 Février 1940
Les événements principaux (revue de la presse française)
1 er Janvier La plupart des journaux publient des prévisions d'astrologues ou de voyantes connues : tous prévoient soit la victoire en 1940, soit de très graves difficultés pour Hitler, qui doit être assassiné ou renversé.
-Nous sommes la seule force capable de battre la barbarie hitlérienne et moscovite» (Léon Bailby dans l'Écho de Paris/.
« Moralement nos ennemis sont condamnés ; politiquement la guerre est gagnée; il reste à emporter la victoire militaire » (Jacques Fabry ‑ Le Matin.
-2 janvier « L'Allemagne se sent mal engagée et tentera n'importe quoi en 1940 pour se tirer d'affaire » (André Chaumex, de l'Académie française ‑ Paris-Soir.
-4 janvier « L'opinion du monde civilisé s'émeut de plus en plus du sort de l'héroïque Finlande, à tel point qu'une véritable croisade pourrait se lever, ralliant les forces morales de l'univers et même des forces nouvelles, débordant le cadre des puissances alliées contre le bolchevisme » Coriolan ‑ Le Petit Journal.
-14 janvier INVASION DE LA Grande-Bretagne ? ! Hitler, ce caporal stratège, ne croit pas à la possibilité d'ébranler la puissance des Alliés par une opération coûteuse, aléatoire et en tout cas sans portée réelle en direction de la ligne Maginot renforcée et prolongée » Alors ? Hitler n'a‑t‑il pas songé de nouveau à une infiltration à travers le Luxembourg, cependant que son aile droite marcherait à travers le couloir que vous connaissez vers Flessingue et les bases qu'il rêve d'occuper afin de mieux attendre la Grande-Bretagne »... C'est le seul objectif que le Reich pourrait prochainement viser. Encore sommes-nous sceptiques » (xx dans Paris-Soir).
-9 février Henri Jeanson poursuivi pour a incitation de militaires à la désobéissance » pour des articles parus dans des journaux en août 1939, vient d'être condamné à quinze mois de prison, peine non confondue avec un précédent verdict le condamnant à cinq ans de prison. Henri Jeanson purge sa peine à la prison de la Santé (Le Petit Parisien).
-10 février : Sacha Guitry a arbitré la querelle des fracs et des vestons au cours du gala qui a eu lieu hier à l'Opéra au profit des victimes finnoises de la guerre. II compose un impromptu recommandant que pendant la guerre les habits de soirée soient bannis... (Paris-Soir).
Je pense qu’il est préférable de ne pas écrire tous les jours, cela permet d’avoir un recul pour juger de la situation.
L’information principale concerne bien entendu la Finlande la presse tombe à bras raccourcis sur la Russie. Dans le petit Parisien de ce jour, on trouve un peu d’information sur la destruction par les Finlandais de la division motorisée russe. La raison principale est la température -42°. La division se trouvant environ 13 km de la mer n’a pas pu faire démarrer un seul tank. Les soldats n’ont rien pu faire d’autre que de laisser leurs machines sur place et rentrer à pied. Mais on voit quand même des signes de la prochaine chute de la Finlande.
Les Finlandais appellent au secours cependant les alliés n’apporteront pas une aide suffisante pour arrêter les Russes.
Il semble que les Allemands vont changer leur plan car ils ne veulent pas se heurter à la ligne Maginot.
À cause des menaces de Hitler sur les Balkans, et plus particulièrement sur le pétrole de Roumanie, l’activité des alliés se focalise actuellement sur la Syrie pour défendre le pétrole de Mossoul.
On peut aussi imaginer qu’il y a une menace vers la Russie en direction de Bakou et son pétrole. Les journaux parlent de la visite en Syrie du général Weygand.
Certains émigrants essayent de profiter d'une vie agréable d'officier « à titre étranger » et s’engagent pour la toute la durée de la guerre. À mon avis ce sont simplement des aventuriers.
En ce qui concerne le front occidental tout est tranquille comme d’habitude, et sur la mer les navires coulent et coulent.
Bon, parlons maintenant du front intérieur. Pour moi on voit à présent le double visage de l’Europe. D’un côté il y a la presse, censurée bien entendue, pour qui, si l’ennemi n’est pas battu à présent il sera plus tard.
L’autre face parle, au plus tôt murmure, au sujet des queues devant les magasins et de l’absence de café et de beurre de viande, etc.
Monsieur Daladier a obtenu la confiance du Parlement avec 534 voix sur 534 députés : remarquable réponse de la France à Adolf Hitler.
Mais cela, j’avoue, me rappelle aussi février 1934, lorsque sur la place de la Concorde le sang français a coulé pendant qu’au Parlement le gouvernement recevait le soutien de la majorité, alors que le lendemain, le 7 février, le gouvernement donnait sa démission.
Il y a d’un côté les députés et de l’autre côté le peuple et ce souvenir me fait douter de la volonté réelle de la nation de se battre contre les Allemands. En d’autres termes je me pose la question y a-t-il une communion entre le peuple et ses députés. Je pense qu’avec cette guerre, il n’y aura pas de gagnants ou de perdants. Par contre, je sens venir une menace de révolution à cause de l’absence de communion entre le peuple et ses députés.
La décadence de l’Europe est en partie responsable de ce qui s’est passé en Russie. J’espère que la Russie survivra et se débarrassera de ses « habits rouges ».
Remarque : les rumeurs courent concernant la possibilité que les immigrés russes soient mobilisés, peut-être dans des compagnies de travail non combattantes. Déjà l’armée ramasse les chômeurs !
Le Parti des « Mladorossy » est en pleine déconfiture. Pour moi, c'est la faute à son leader Kazem-Bek. Le grand-duc Vladimir, héritier de la couronne impériale, a aussi laissé tomber le parti et s’est solidarisé avec les « traîtres de Munich » sur le sujet de la question finlandaise.
Du 14 Février au 2 Juin 1940
Les événements principaux (revue de la presse française)
-20 Février : Vote par la Chambre des députés de la déchéance des députés communistes qui n'ont pas rompu avec la IIIème Internationale.
-2 Mars 'envoyé spécial du Président des Etats-Unis, Sumner Welles, est reçu par le chancelier Hitler. II a été chargé par Roosevelt d'interroger les belligérants sur leurs buts de guerre. II se rend ensuite à Rome, à Paris et à Londres.
-« L Angleterre et la France sont prêtes à aider la Finlande de toutes leurs ressources » déclare M. Chamberlain aux Communes (Le Petit Journal). De son côté, M. Daladier précise à la Chambre: « Si un appel lui est adressé, la France sera prête à apporter à la Finlande toute l'aide en matériel et en hommes qu'elle demandera» (Le Petit Parisien).
-3 et 4 Mars -Les gouvernements suédois et norvégiens refusent de laisser passer sur leurs territoires le corps expéditionnaire allié destiné à lutter contre les Soviétiques en Finlande.
-12 Mars Signature d'un armistice, rapidement transformé en traité de paix entre l'U.R.S.S. et la Finlande. Cette dernière cède à l'U.R.S.S. l'isthme de Carélie (avec Viborg).
-16 Mars Philippe Henriot, député nationaliste de Paris, réclame dans Paris-Soir, après la victoire, la maîtrise du Rhin pour la France et le châtiment du peuple allemand. II s'indigne qu'on puisse faire une distinction entre Hitler et le peuple allemand
« L'imagination demande grâce devant le sadisme diabolique d'un peuple où nous finirons par croire qu'on naît bourreau ». On sait qu'après la défaite, Henriot proclamera son admiration pour Hitler.
-20 Mars Débat en comité secret à la Chambre des députés. On reproche au gouvernement de n'avoir pas acheminée à temps le corps expéditionnaire destiné à aider la Finlande. Celui-ci se défend : tout était prêt, nous aurions passé outre au veto norvégien interdisant le passage des troupes. Le gouvernement est mis en minorité. Daladier démissionne. II est remplacé par un gouvernement Paul Reynaud, qui n'obtient qu'une majorité relative (268 voix pour, 156 contre et 111 abstentions.
-28 Mars Réunion du Conseil supérieur interallié : « Français et Britanniques s'engagent à ne pas signer de paix séparée ». Cela paraît aller de soi. Le problème se posera, hélas, trois mois après.
-3 Avril -«Les 44 ex-députés communistes sont condamnés pour reconstitution de ligue dissoute. 36 au maximum de la peine, soit cinq ans de prison, huit à quatre ans avec sursis. Ces derniers ont été immédiatement envoyés dans un camp de concentration » (Le Petit Journal). En fait, les quarante quatre députés seront tous transférés en Afrique du Nord.
-6 Avril. -Le blocus est-il tourné ? M. Ronald Russel fait remarquer à la Chambre des Communes que les importations en provenance des USA, en direction des pays neutres voisins de l'Allemagne ont augmenté de 68 millions de dollars, c'est‑à-dire qu'elles ont triplées (Pans-Soir).-« Le chômage a diminué. Le nombre des chômeurs a diminué de trois cents mille le mois dernier, mais il reste encore un million cent vingt mille chômeurs en Grande-Bretagne. En présence des exigences de l'armement, n'est-ce pas un crime contre la nation ? » (Pans-Soir).
-8 Avril La France et la Grande-Bretagne décident de poser des mines dans les eaux territoriales norvégiennes, celles-ci étant utilisées couramment par des navires allemands. Protestation de la Norvège.
-9 Avril Invasion du Danemark (qui ne tente pas de résister) et de la Norvège par les forces allemandes. Celles-ci réussissent un débarquement simultané dans tous les grands ports norvégiens (Mass, Bergen, Trondjhom et Narvik). Création du gouvernement fantoche de Quisling.
-12 Avril LA ROUTE PERMANENTE DU FER EST DÉSORMAIS COUPÉE A L'ALLEMAGNE», a déclaré hier au Sénat M. Paul Reynaud. L'attaque nazie contre la Norvège n'émeut pas le Président du Conseil: « Quoi qu'il arrive désormais, on peut affirmer que pour toute la durée de la guerre, pas une tonne de minerai ne partira de Narvik pour l'Allemagne. Le seul couloir permanent de communication est coupé. il s'agit pour les Alliés d'un bénéfice capital et d'un bénéfice durable » (Paris-Soir).
-14 Avril `Débarquement des troupes anglaises en Norvège.
-19 Avril Débarquement des troupes françaises en Norvège.
-27 Avril Les Anglais et les Français décident de renoncer à continuer la lutte en Norvège. Les troupes réembarquent à partir du 2 mai. La résistance de l'armée norvégienne continuera cependant jusqu'au 9 juin. Le 10 juin, le gouvernement norvégien part pour l'Angleterre.
-9 Mai On signale des concentrations de troupes allemandes à la frontière hollandaise. La Hollande prend des mesures de précaution. II se pourrait en effet que l'Allemagne tente une action en Hollande dirigée... contre la Grande-Bretagne : Les autorités britanniques sont en train de prendre des mesures pour protéger le pays contre une invasion par mer ou par air » (Paris-Soir)
-On avait annoncé que le Duce devait prononcer le 9 mai à l'occasion des cérémonies du quatrième anniversaire de la fondation de l'Empire « des paroles décisives ». Finalement, M. Mussolini s'est exprimé en ces termes : Vous devez vous habituer à mon silence que les faits seulement peuvent rompre» (Petite Gironde).
-André Chaumeix, de l'Académie française, rappelle dans « Paris-Soir » les paroles de Joffre « qui contiennent une grande leçon de sagesse : les guerres modernes ne sont pas faites pour les gens pressés ».
-Paul Reynaud procède à un remaniement ministériel : entrent dans le cabinet : M. Louis Marin et M. Ybarnégaray (Vice-président du PSF) II est précisé que le colonel de la Rocque a donné son agrément (Le Petit Journal)
-10 Mai L'armée britannique occupe l'Islande, colonie danoise.
-Le cabinet Chamberlain démissionnaire est remplacé par un cabinet Churchill.
Attaque allemande de la Belgique, du Luxembourg et de la Hollande à 5 h 45, remise d'un mémorandum aux gouvernements belges et hollandais. L'invasion des deux pays est motivée par la nécessité de sauvegarder la neutralité des deux pays, menacée par les Alliés ! C'est l'offensive à l'Ouest prévue depuis longtemps. Immédiatement, le premier groupe d'armée du général Billotte et le corps expéditionnaire britannique se portent en Belgique.
-« Malgré la guerre, la Foire de Paris a ouvert ses portes. La Foire a été inaugurée à 15 heures par M. Albert Lebrun, Président de la République. »
-12 Mai Le Cardinal Suhard succède au Cardinal Verdier comme Archevêque de Paris.
-14 Mai Les divisions blindées allemandes passant à travers la Belgique et le Luxembourg traversent les Ardennes réputées infranchissables et de ce fait dépourvues de fortifications. Elles atteignent la Meuse à Sedan et font prisonnières plusieurs divisions avec leurs généraux. Elles obliquent alors vers l'Ouest et foncent vers la mer. L'Etat-major interallié comprend tardivement que les forces alliées qui viennent d'entrer en Belgique risquent d'être prises à revers.
-15 Mai La B.B.C. communique : l'attaque aérienne anglaise menée contre les troupes allemandes dans la poche de Sedan a été terrible. Elle a arrêté l'avance allemande et a permis aux Français de contre-attaquer » (Paris-Soir).
-19 Mai Tous les journaux commentent favorablement la nomination de Pétain comme Vice-président du Conseil comme le présage d'un redressement imminent : Paul Reynaud déclare : « il est désormais à mes côtés, il y restera jusqu'à la victoire ». De même la promotion de Weygand laisse bien augurer de la suite : « L'homme qui redresse les situations critiques » titre Paris-Soir.
-24 Mai Weygand a dit à Paul Reynaud : les populations civiles ne doivent pas se laisser effrayer par les raids de troupes motorisées allemandes, semblables aux raids de cavalerie d'autrefois, et à qui leur audace peut coûter cher. Elles doivent rester chez elles au travail» (Paris-Soir).
-«Les milieux économiques autorisés britanniques pensent que Hitler a attaqué parce qu'il ne peut affronter un autre hiver... On croit que les Allemands consomment le pétrole deux fois plus vite qu'ils n'obtiennent leurs approvisionnements et qu'ils tirent sur leurs réserves (Paris-Soir).
-25 Mai La maison de Trotsky a été prise d'assaut à Mexico-City par un groupe d'une vingtaine d'individus armés de pistolets et de mitraillettes... Les assaillants ont enlevé un des secrétaires (Petit Journal).
-27 Mai Le Roi Léopold de Belgique, estimant que l'armée belge est hors d'état de combattre, sans se préoccuper des conséquences sur le sort des autres armées alliées, sans en référer à son Gouvernement ni aux Alliés, décide de cesser le combat. La capitulation de l'armée belge prend effet quelques heures plus tard, le 28 à 0 h 30. Le gouvernement belge proclame: L'acte que nous déplorons est sans valeur légale : il n'engage pas le pays... Le Roi n'est plus en situation de gouverner car de toute évidence la fonction de chef d'Etat ne peut être exercée sous le contrôle de l'étranger... Le gouvernement sûr d'être l'interprète de la volonté du pays est résolu à continuer la lutte pour la délivrance du pays.
-29 Mai Manchette de l'Action française à propos de la capitulation du Roi des Belges : « Le Roi (censuré) que sa faiblesse intellectuelle et morale met à la merci de l'ennemi…. Mais quand les Belges auront jugé, condamné et exécuté ce déserteur, la Monarchie reprendra toute sa vertu. Cela est moins facile aux démocraties, faute de responsable véritable, de faire expier et purger leurs crimes.
-31 Mai Le Parlement belge réuni à Limoges vote à l'unanimité une motion constatant « l'impossibilité juridique et morale pour Léopold III de régner . II n'y a donc pas de déchéance du Roi. ….
28 Mai au 3 Juin :-Tentative de réembarquement des troupes françaises et anglaises encerclées à Dunkerque. A la surprise des Alliés eux-mêmes, ils parviendront à évacuer 200 000 Anglais et 135 000 Français avec des pertes relativement légères.
-2 Juin Consécration de la France au Sacré-Cœur par S.E. le Cardinal Suhard, en présence de Mme Lebrun et des membres du gouvernement.
Les pressions policières, les filatures, l'espionnage et les arrestations qui se multiplient, nous obligent tous, les immigrés, à être très prudents. Je suis donc forcé à prendre des mesures de précaution car en cas de perquisition et de découverte du présent journal de bord, dans lequel je dis ce que je pense. Je risque des gros ennuis.
Je me souviens d’une réunion du parti Mladorossy. C’était après le célèbre « Munich ». Il y avait là mess bons amis, anciens officiers de la marine impériale, et quelques membres importants du Parti. On discutait les divers événements du jour et comme je n’étais pas d’accord sur un certain nombre de points, je demandais la parole. Mon exposé était l’analyse des « événements de Munich » et ses conséquences pour l’Europe plus particulièrement pour la France et l’Angleterre.
Ce n’est ni le moment ni le lieu pour donner le contenu de mon analyse. Je dirais seulement que ma conclusion était que il n’y avait pas d’espoir, pour la France comme pour l’Angleterre : en cas de conflit militaire entre les alliés et l’Allemagne il y aura une défaite rapide et complète pour la France et la mort de l’Angleterre.
Et dans le cas d’un conflit prolongé, de trois ou quatre ans ou plus, la Russie renaîtra en tant que grande puissance. Bien sûr c’était un discours improvisé mais avec des bases solides qui sont la décadence morale du français et de l’anglais. C’était complètement contraire avec les lignes du Parti et de l’opinion de Kasem Bek et de son état-major qui parient sur la France l’Angleterre.
Bon ! Assez sur ce sujet.
Je rappelle ce souvenir des réunions du parti Mladorossy uniquement pour me permettre de vérifier la justesse de mon analyse. L’insuccès de la conduite de la guerre par les alliés est un signe de l’imminence d’un krach final.
En ce qui concerne le taxi, j’ai commencé à travailler régulièrement et, depuis le 23 février, j’ai commencé à rembourser mes dettes.
J’observe le peuple au café, au restaurant ; à la sortie des théâtres et chaque fois j’ai la très nette impression que le français ne peut plus et ne veut plus combattre, il ne fait que rêver de se sortir du guêpier dans lequel la France s’est embourbée.
Tout cela n’est que le signe avant-coureur de la déroute.
Nous autres les Russes qui ont vécu les années troubles de 1917 – 1920, nous avons l’œil et une riche expérience.
Et si ici, tout ceci se tient encore, c’est grâce à la police et plus particulièrement les gardes mobiles. En haut le commandement est presque le même.
Il faut quand même dire que l’initiative de fermer la route du fer et du nickel scandinaves fut à peu près la seule question bien posée et bien traitée par les alliés. Il y a eu un succès rapide de l’attaque de la Norvège par la flotte Anglo française avec le débarquement de troupes en quelques endroits en direction de Narvik, qui a créé quelques espoirs d’éviter pour la Norvège ce qui s’est passé avec attaque éclair du Danemark. Cela ne veut pas dire que les Allemands auraient été vaincus. La presse française, notamment Paris-Soir, sont pleins d’admiration pour ces faits d’armes.
La guerre de Finlande est finie et la Finlande a demandé la paix. Pour un observateur impartial il est clair qu’une poursuite de cette guerre avec les Russes signifiait la mort pour tous en Finlande. Cela s’est passé de la même façon pour la Russie en 1918.
Les Français et les Anglais avaient été déçus par le retrait de la Russie de la guerre avec l’Allemagne. Pour la Russie c’était une question de survie mais pour eux, la Russie avait trahi.
Une fois de plus on voit les mensonges de la presse. Par exemple : en Finlande il n’y eut que 3-4 000 prisonniers russes alors que selon la presse 100 000 soldats de l’armée rouge se sont honteusement rendus.
Pour nous autres les Russes, ce fut une grande joie de voir la guerre gagnée par la Russie. On parle maintenant de la possibilité d’une rapide amnistie générale. Nous étions heureux.
Pour l’instant les Russes en France ont commencé à être appelés pour une visite médicale en vue de leur incorporation dans l’armée. J’ai été enregistré à la mairie du sixième arrondissement et j’ai passé la liste médicale avec à la sortie « bon pour le service armé ».
3 Juin 1940
Les événements (revue de la presse française)
-3 juin : Premier bombardement de Paris 1254 morts). : « En vol piqué un bombardier devient très vulnérable et un fantassin peut rabattre avec un fusil-mitrailleur » (Pans Soir).« L'ensemble des formations militaires de gardes territoriaux est placé sous la haute présidence du maréchal Pétain, Vice‑Président du Conseil » Soir). «Le Pape appelle de ses vœux le retour d'une paix juste, honorable et durable » (Le Petit Journal).
-4 juin « Les jeunes gens des classes 39 et 40 incorporables les 8 et 9 juin obtiendront des facilités pour poursuivre leurs études » (Le Journal).
-5 juin Après l'accalmie de Dunkerque, l'offensive allemande reprend. Ordre du jour de Weygand « La bataille de France est commencée. L'ordre est de défendre nos positions sans esprit de recul ».
-« Nommé depuis hier sous secrétaire attentat au ministère de la Guerre, le général Charles de Gaulle est le père spirituel de l’armée motorisée » (Paris Soir).
-Communiqué du Gd quartier général, 5 juin au matin : « Tous les renseignements reçus depuis les premières heures du jour annoncent qu'une nouvelle bataille est commencée. L'effort violent de l'ennemi s'est porté jusqu'ici entre la mer et la route de Laon à Soissons ». Communiqué du Soir : « Dans l'ensemble, ses attaques (de l'ennemi) sont contenues. Nos troupes, mêmes lorsqu'elles sont dépassées par les chars. résistent énergiquement dans les points d'appui qu'elles occupent et maintiennent leurs position ».
-6 juin La Bourse suit avec confiance mais non sans une pointe d'angoisse l'effort de nos troupes pour endiguer la nouvelle offensive allemande de Laon à la mer. Bien entendu, les modifications apportées à la composition du Cabinet faisaient l'objet de nombreux commentaires. On y voyait généralement l'indice de la volonté du chef du gouvernement de conduire la guerre avec une énergie accrue. Les dispositions générales du marché ont été meilleures dans l'ensemble et les transactions un peu plus actives. Sur les rentes françaises, les cours de la veille ont été bien défendus... u (Le Temps).
-7 juin Berlin... on reconnaît que l'offensive hitlérienne n'a nullement surpris le haut commandement allié, surtout sur le Front de la Somme. Les Allemands font eux mêmes ressortir que les fortifications de campagne édifiées en hâte par les troupes françaises depuis que Weygand a pris le commandement se révèlent extrêmement efficaces» I Georges Blum dans Le Journal.
-8 juin L'acharnement des divisions allemandes n'a d'égal que l’efficacité de notre artillerie et de notre aviation» (Paris Midi).
-Aujourd'hui, dans toutes les écoles de Paris, 200 000 enfants passent le certificat d'études n (Pans-Midi).
-9 juin L'ennemi jetant dans la bataille toutes ses réserves d'attaque sur l'ensemble du front.. Les pertes infligées à (adversaire sont considérables u (Le Petit Journal).
Après la liquidation de la Pologne et de la Finlande on peut s'attendre à des actions décisives sur le front européen.
On voit de plus en plus souvent des avions allemands qui vont en France faire des vols de reconnaissance ou de bombardement des points stratégiques militaires importants. À Paris, les alertes aériennes sont de plus en plus courantes.
L’occupation de la Hollande par les Allemands à pour effet de voir la Belgique se mettre d’une manière active du côté des Alliés.
Le 3 juin 1940 a été pour moi un jour de repos.
À 13 heures, j'étais dans la cuisine en train de finir la lessive. Soudain j’entends des coups de feu et les sirènes. On entendait de plus en plus des tirs de mitrailleuses et des batteries antiaériennes de la DCA. J’entendis des explosions de bombes de grand calibre et le bruit des moteurs d’avions en piqué. Presque tous les habitants de l’immeuble se sont précipités vers l’abri souterrain. Ouvrant la fenêtre, j'entends des explosions d’environ 8 ou 10 grosses bombes. Je me décidai à descendre l’escalier, mais en bas je trouvais la porte fermée à clé ; je suis donc remonté à l’appartement. Quelques instants après le bruit de la canonnade s’est arrêté et les avions Allemands sont repartis vers l’est. Et puis j’entendis la sirène qui signifiait la fin de l’alerte.
Je m’habillais rapidement et partis vers le 15e arrondissement pour avoir des nouvelles. Il semble que bombardement a endommagé l’usine Citroën. Des bombes seraient aussi tombées sur Vanves et Montrouge et qu’il y avait beaucoup de personnes tuées ou blessées. Le soir, on apprit que les Allemands ont lâché plus de 1000 bombes sur Paris et les environs. J’ai vu les destructions de mes propres yeux et j’ai alors décidé que la prochaine fois, je descendrai dans l’abri, car les destructions ne concernaient surtout que les étages supérieurs des immeubles.
Dans la rue, la foule paraît inquiète et énervée. Dans les quinzièmes, quatorzièmes et seizièmes arrondissements de Paris la circulation est arrêtée. Partout les débris, divers gravats et des vitres brisées, jonchent le sol.
L’usine Citroën qui se trouve sur les quais de javel est à moitié détruite et continue à brûler. Ce bombardement signifie une attaque importante des Allemands. L’Italie s’est jointe à l’Allemagne.
Il y a partout de la panique et les Parisiens essayent de s’éloigner le plus possible de la vile.
Quant à nous chauffeur de taxi, nous continuons à faire tranquillement notre devoir en aidant les gens à gagner les gares, nous faisons donc des « affaires en or ». Mais on pense que cet argent que nous gagnons n’est pas à prendre en considération alors que des gens se battent et meurent tout près de Paris dans des combats contre l’avance allemande.
Les nouvelles du front sont mauvaises et il n’y a pas de fumée sans feu. Dans Paris on construit des barricades. Sur les grands boulevards et avenues, on construit des barrages contre une possible attaque de parachutistes. Il y a de moins en moins de taxis dans la ville, car il y a pénurie d’essence.
Les grands garages de taxis ferment, leur propriétaire ayant fui la ville. Je dois dire cependant que la grande majorité des gens ne panique pas et a une attitude digne.
Mon frère Fédia s’est réfugiée avec sa famille au Petit-Clamart et ensuite à Meudon aux 36 de la rue Guillemain.
En ce qui concerne les Russes à Paris, la grande majorité se comporte avec dignité et ne se laisse pas aller à la panique. Sur les routes, vers le sud vers l’ouest il y a des colonnes interminables de réfugiés qui ont tous dans les yeux l’horreur de la mort qu’ils ont côtoyée. La population de Paris ne peut quitter la ville que par la porte d’Orléans. Les trains sont arrêtés et les troupes françaises font sauter les ponts sur les rivières.
10 Juin 1940
Résumé des événements du jour
-10 Juin Les Allemands franchissent la Basse Seine et menacent Paris de débordement par l'Ouest. Jusque là, les optimistes rappelaient le précédent de 1914, où les forces ennemies parvenues à moins de soixante kilomètres de Paris avaient dû battre en retraite. On réalise qu'il n'y aura pas de second miracle de la Marne.
-Le gouvernement annonce qu'il quitte Paris a pour intensifier la lutte et non pour l'abandonner a.
-L'Italie entre en guerre a afin de pouvoir s'asseoir à la table des négociations du côté des vainqueurs v. Cette décision est perçue comme « un coup de poignard dans le dos ». L'armée italienne arrivera en quinze jours de combat à occuper la moitié de Menton,
Je ne travaille plus : mon patron a pris trois ou quatre des taxis avec leurs chauffeurs pour fuir vers la Corrèze. Étant étranger, on ne m’a pas proposé de venir avec eux. Avec ironie, je leur ai dit « bon voyage » et je reste à Paris pour éventuellement défendre la ville sur les barricades. La ville est mortellement vide et silencieuse. On apprend que Paris a été déclarée « ville ouverte ». Nous sommes tous tranquillisés, car alors il n’y aura plus de bombardement.
L’armée allemande à forcé la Belgique à rendre les armes et un armistice a été signé. Et visiblement l’armée française est en déroute complète. Il y avait eu des rumeurs concernant le suicide ou l’arrestation du général Hamelin. Le général Weygand aurait pris la relève du commandement. La guerre est perdue. Il n’y a pas eu et il n’y aura pas de « miracle de la Marne ».
Finissant mon journal je veux dire que nous n’avons aucun ressentiment contre les Français, car ils sont actuellement dans le malheur.
Nous avons cependant une certaine sensation de satisfaction, de voir que nous avions finalement raison, qu’il y a une Vérité sur la terre. Les Français payent durement leur faute en 1918.
Ivan ROSOFF
11 Juin 1940
Résumé des événements principaux du 11 juin au 18 juin 1940
-12 juin : Plus de la moitié de la population de la capitale a fui... souvent à pied. Le gouvernement a dû quitter la capitale qu'il s'apprête à proclamer ville ouverte, c'est‑à-dire à renoncer à la défendre. Le gouverneur militaire de Paris fait comme si rien n'était. II publie un communiqué dans lequel il recommande aux jeunes gens en instance de mobilisation de quitter Paris. La fraction non encore mobilisée de la classe 40 doit se présenter aux portes d'Orléans, d'Italie ou de Châtillon où a des indications leur seront. données » les 13 et 14 juin, les garçons plus jeunes doivent se présenter, les 15 et 16 juin... etc. jusqu'au 20 juin
-13 juin Communiqué du 13 juin au soir du GQG: De part et d'autre de Paris, la bataille prend de plus en plus d'ampleur. A l'Ouest de la capitale, des a forces nouvelles ont attaqué au Sud de Rouen... Au Nord de Paris, douze divisions au mains attaquent entre Senlis et Betz » En fait, le 13 juin au soir les troupes allemandes arrivaient aux a portes de Paris, évacué.
-Le gouvernement français informe son homologue britannique qu'il envisage de demander un armistice. Churchill déclare qu'il ne peut s'y opposer mais qu'il est capital que la flatte p française soit mise hors de portée des Allemands.
-M. Paul Reynaud a lancé au Président Roosevelt un suprême appel : Notre combat chaque jour plus douloureux n'a désormais de sens que si en le poursuivant nous voyons grandir même au loin l'espoir d'une victoire commune... malgré nos revers la puissance des démocraties reste immense. Nous avons le droit d'espérer que le jour approche où toute cette puissance sera mise en œuvre. C'est pourquoi nous gardons l'espérance au cœur. C'est pourquoi nous avons voulu que la France garde un gouvernement libre u..,
14 Juin PARIS EST OCCUPÉ
-Communiqué du GQG. du 14 juin au soir : Les replis prescrits, notamment celui de l'armée de Paris, annoncé au communiqué de ce matin, ont été effectués conformément à nos plans. Nos troupes ont contre-attaqué à plusieurs reprises.,.».15 otages sont fusillés à Tremblay les ‑Gonesse, la Wehrmacht ayant accusé les habitants de la localité d'avoir participé aux combats.
Occupation de la zone internationale de Tanger par l'Espagne qui sera annexée à l'Espagne le 23 novembre).
-15 Juin Le gouvernement français propose au Généralissime Weygand d'ordonner un cessez-le-feu , comme l'avait fait un mois plus tôt son homologue hollandais, la lutte continuant aux colonies. Weygand refuse. Selon lui, il serait déshonorant pour un militaire de capituler a sans avoir épuisé ses moyens de combat a mais il souhaite que le gouvernement républicain sollicite un armistice.
-Communiqué du 15 juin au matin : Sous Paris, nos armées ont achevé dans le plus grand ordre les mouvements prescrits par le commandement...
-16 juin Le maréchal Pétain déclare au cours du Conseil des Ministres qu'il est indispensable de demander l'armistice et qu'il donne sa démission si cela n'est pas fait immédiatement (10 heures du matin).
-A 15 heures, nouveau Conseil des Ministres ; on apprend que l'Angleterre propose un projet d'Union indissoluble entre les deux pays. Toutes les forces armées seront placées sous un commandement commun et dirigées par un cabinet commun. Ainsi ce ne serait pas un gouvernement vaincu qui se réfugierait en Attique mais les membres du gouvernement ayant autorité sur un vaste territoire. Cane proposition est rejetée comme utopique, sans débat. On lit également le réponse de Roosevelt à l'appel de Paul Reynaud « Tout sera fait pour aider la France... saut d'envoyer immédiatement des troupes américaines »
-20 heures : 3° conseil des Ministres : Paul Reynaud démissionne car il ne a peut accepter de faire une politique contraire à l'intérêt et à l'honneur de la France. Le maréchal Pétain sort alors de sa poche la composition de son Ministère.
-A 24 heures, l’ambassadeur d'Espagne est chargé d'informer le Führer que la France désire a connaître les conditions de l'armistice..
- En France, c’est la débâcle. À Bordeaux se trouvent des dizaines de milliers de réfugiés, parmi lesquels de nombreux Juifs. Le consul du Portugal à Bordeaux, Aristides de Sousa Mendes, décide ce jour-là d’accorder des visas à tous ceux qui en feront la demande : « Désormais, je donnerai des visas à tout le monde, il n'y a plus de nationalité, de race, de religion ».
17 Juin. Le nouveau Président du Conseil, le maréchal Pétain, s'adresse à 12 h 30 au pays : « c'est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu'il faut cesser le combat ». Le texte remis à la presse du message présidentiel sera transformé en «il faut tenter de cesser le combat ». Les combats continueront jusqu'à la conclusion officielle de l'armistice le 22 juin. Occupation de Metz, Dijon, Besançon, le Creusot et Orléans.
18 Juin 1940.
-Premier appel à la résistance, radiodiffusé par la BBC, du Général de Gaulle : le général de Gaulle lance aux Français qui se trouvent en Angleterre ou viendraient à s'y trouver un appel à le rejoindre pour poursuivre la lutte contre les Allemands qui, au même moment, envahissent la France.
-22 juin 1940.
Signature de l’armistice entre la France de Vichy et l’Allemagne Nazie. La France est divisée en une zone occupée par l’armée allemande et une zone « libre », où le gouvernement sous la direction de Pétain s’installe à Vichy, et où la France conserve un semblant d’indépendance.
Ci-après, vous pouvez voir avec la liseuse CALAMEO, le texte complet comportant tous les fac-similés des coupures de journaux à l'endroit même où ils ont été collés par Ivan Rosoff dans le cahier original.